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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/928

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partie de leur indépendance entre les mains d’une puissance conquérante, protestante et absolutiste. Cet intraitable particularisme était surtout vivace à Munich ou le Roi, très allemand de sentiments, tenait encore plus à la plénitude de ses privilèges souverains et où le premier ministre Bray, diplomate de la vieille école, suivait une politique exclusivement bavaroise, c’est-à-dire d’équilibre entre la Prusse et l’Autriche.

Bismarck dirigea ses efforts contre le principal centre de résistance à ses projets dès que la bataille de Sedan lui eut paru décider du sort de la lutte et des destinées de l’Allemagne. Pour ne pas éveiller les susceptibilités des Bavarois, il voulut éviter l’apparence même d’une pression à leur égard et les amener à ses vues par un moyen indirect. A son instigation, le Roi de Saxe et le gouvernement badois proposèrent presque en même temps, par des déclarations publiques, de réunir dans une organisation commune tous les États allemands en guerre avec la France.

En présence d’un mouvement unitaire qui leur paraissait irrésistible, les ministres de Louis II crurent habile d’en prendre la tête pour le contenir dans de justes limites, et demandèrent à Bismarck d’envoyer à Munich un fonctionnaire de sa chancellerie, Delbrück, leur exposer ses vues sur les conditions de l’union du Nord et du Sud. Ce dernier avait pour instructions de ne rien brusquer ; au cours de son séjour (22-26 septembre), il se borna à développer un programme qui consistait dans l’accession pure et simple de la Bavière à la Confédération du Nord, avec la même situation que les petits États. Cette solution simpliste eut pour effet immédiat de provoquer chez ses interlocuteurs un mouvement de recul qu’il fut le seul à ne pas apercevoir. Il revint de Munich fort satisfait de lui-même et plein d’illusions sur le succès d’une mission qui représentait en réalité une tentative inutile et une perte de temps.

Aussi bien ces premiers travaux d’approche n’étaient-ils que le prélude de la partie décisive que Bismarck comptait jouer et gagner à Versailles, dans un congrès des princes ou au moins de leurs représentants. Mais comment y amener les Bavarois, effrayés déjà du programme maximum soumis par Delbrück à leurs méditations ? Pour y parvenir, il se servit du Wurtemberg, comme précédemment de Bade et de la Saxe. A Stuttgart, un changement ministériel venait de porter au pouvoir le baron