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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/127

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bonne contenance. A supposer qu’elle puisse se remettre rapidement au travail et reprendre sa vigueur industrielle, il lui restera de la guerre une immense déception, partant une salutaire défiance de soi-même et une crainte fondée d’un nouveau désastre qui serait irréparable. Il est hors de doute que les soldats qui se sont révoltés sur notre front ne voulaient plus se battre ; ils en avaient assez de la lutte, et des privations, et de la misère. Ne sont-ce pas là des impressions sinistres qui s’effaceront difficilement de l’âme d’un peuple, auquel on avait inspiré une folle confiance en lui dépeignant la guerre comme une marche triomphale ?

Risquer une autre partie après une pareille leçon, sans avoir entre les mains tous les atouts favorables, sans avoir fait tous les préparatifs militaires qu’exigerait une guerre mondiale, n’est pas compatible avec l’esprit prévoyant et organisateur de nos ennemis. Je sais bien qu’on peut fondre des projectiles, fabriquer des fusils et des canons, exercer des recrues, en déjouant une surveillance étrangère ; mais il n’en est pas de même de la construction d’une flotte de bataille, de la mise à flot de croiseurs, de destroyers et de sous-marins. Les ports et les arsenaux de l’Allemagne ne sont pas à l’abri de nos investigations et, tant que la mer lui demeurera interdite, comment exécuterait-elle ses projets de vengeance ? Vous me direz que les Allemands tablent peut-être sur quelque découverte scientifico-homicide qui livrerait nos soldats à leur merci. N’avons-nous pas aussi des chimistes et des laboratoires ?

Ainsi donc à peine sortis tout meurtris de la bataille, nous devrions nous y préparer de nouveau ? Puisqu’on redoute à bon escient le levain de rancune et de haine qui fermente chez une nation n’ayant été ni écrasée, ni démembrée, ce serait folie de rester désarmés en face d’elle. Mais la meilleure arme, la moins onéreuse pour nous et la plus capable, d’autre part, de donner à réfléchir à l’Allemagne, est encore l’union de ses vainqueurs, grands et petits. Qu’on sache bien de l’autre côté du Rhin que leur alliance n’est pas un vain mot et qu’elle sera prête à montrer son front menaçant, dès que le virus belliqueux recommencera à infecter le corps germanique. Rien ne contribuera davantage à refroidir sa lièvre et à calmer ses démangeaisons.

Quant à la Société des nations, n’est-il pas superflu d’en