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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/132

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Ce trafic trouverait sa limitation naturelle dans la protection de nos propres fabricants. Nous n’achèterions que les produits qui n’ont pas d’équivalents chez nous, et il y en a malheureusement un certain nombre en Allemagne. Comment s’opérerait la sélection ? C’est évidemment l’affaire de nos gouvernants. Le système des licences d’importation ou permissions administratives adopté par eux suscite de fortes critiques. On conteste la compétence de l’administration ; on lui reproche la lenteur de ses décisions, la routine de ses bureaux ; on craint qu’elle ne se laisse influencer, lorsqu’elle est saisie d’une demande, par des oppositions intéressées. Pourquoi ne pas remanier dès maintenant nos tarifs douaniers où des droits prohibitifs protégeront nos produits indigènes qui en ont besoin ? Libre entrée ou droits modérés pour les autres sans distinction d’origine, cette tolérance ne s’appliquant, je le répète, qu’à une situation provisoire.

On ne s’attend pas à Berlin à une reprise des affaires, non plus qu’au rétablissement d’un change normal et à une recrudescence de l’activité industrielle avant le printemps prochain, quand la crise économique et sociale aura été traversée. Raison de plus pour profiter du répit qui nous est laissé et nous pourvoir à bon compte des articles nécessaires à notre consommation. Plus tard il faudra considérer de sang-froid le danger d’une concurrence d’autant plus redoutable que l’ouvrier allemand se contente d’un salaire inférieur à ceux qu’exigent maintenant ses rivaux. Qui nous empêche d’ici là d’acheter par exemple les machines dont l’Allemagne regorge et qu’elle nous céderait à bas prix ? Ce sont les armes qui nous manquent le plus pour refaire ou compléter notre outillage en vue de la lutte future. L’Allemagne elle-même nous les fournirait. Mais elle est forcée, dira-t-on, de restituer le matériel qu’elle nous a volé. Oui, sans doute, mais dans quel état, avec quelle lenteur et après combien de réclamations ? Il suffit d’avoir vu de malheureuses machines ainsi renvoyées, perchées au petit bonheur sur des trains en souffrance dans les gares allemandes et exposées comme à plaisir à toutes les détériorations, Achetons-en de neuves : nous ferons une économie de temps et d’argent.