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plus actuel et plus pressant. De là la vivacité de polémiques que le baccalauréat, à lui tout seul, ne justifierait pas. Il a été l’occasion de poser un problème, et même de le mal poser. C’est le problème du travail féminin qui domine tout le procès, ainsi que nous l’avons indiqué dès l’abord. De la solution qu’on lui donnera dépendra l’éducation qui conviendra aux femmes. Fénelon avait, d’une main ferme, fixé ce principe : « La science des femmes, comme celle des hommes, doit se borner à s’instruire par rapport à leurs fonctions ; la différence de leurs emplois fait celle de leurs études. » L’éducation des deux sexes se confond dans les temps et dans les classes sociales où leurs fonctions se ressemblent. En sommes-nous revenus là ? — Le problème est si complexe que nous avions pensé d’abord en mettre les données et les solutions diverses dans la bouche de différents personnages. Il y a eu des dialogues philosophiques. Un dialogue pédagogique se serait rattaché à cette tradition. Puis nous nous sommes reproché cette tentation, comme si elle venait d’un désir excessif, en donnant toutes les raisons, de donner raison à tous, et comme d’une peur de conclure. Nous essaierons, à travers toutes les difficultés et les nuances, de garder une opinion et de la déduire des longues prémisses déjà posées.

La cause du travail féminin est une cause gagnée. Ce qui ne veut pas dire que toutes les femmes travaillent. Mais leur droit au travail est reconnu. Le travail ne fait plus déroger les femmes. Il est à noter qu’il a longtemps fait déroger l’homme lui-même. Il semble que l’histoire d’un sexe répète celle de l’autre à quelques siècles de distance. Gagner sa vie n’est plus une honte pour une jeune fille, pas plus que pour un jeune homme. Il n’est plus nécessaire, pour se marier, d’être « sans profession. » Remarquez d’ailleurs combien ces vérités sont relatives. Vérité en deçà de tel chiffre de revenu, ou de telle rue plus ou moins richement habitée, erreur au delà. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est que les limites se déplacent, et que le travail gagne du terrain, qu’il est accepté et recherché là où hier on lui eût préféré la gêne et les privations. Pendant longtemps la jeune fille d’une certaine condition n’a été préparée qu’au double rôle d’épouse et de mère qui devait lui échoir. « Il faut, disait Mme de Staël, élever la jeune fille avec la pensée constante qu’elle sera un jour la compagne de l’homme. » Et il