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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/156

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Les économistes encore estiment à deux heures par jour de semaine le travail minimum qu’une femme doit à son intérieur, et à six heures les travaux du dimanche pour la mise en ordre de la maison et l’entretien des vêtements. Si la femme ne sacrifie pas ces tâches, et personne n’y pense pour elle, elle est donc handicapée de dix-huit heures de travail supplémentaire. Et cela est vrai, avec des atténuations, pour les carrières libérales comme pour les carrières industrielles. A quoi l’on répond que la femme a plus de zèle et plus de vertu. Mais elle ne soutiendra la lutte qu’au détriment de sa santé. Le mieux serait de distinguer entre les carrières qui associent l’homme et la femme, et il y en a beaucoup, et celles qui tendent à les opposer l’un à l’autre.

Nous avons volontairement laissé de côté des arguments d’ordre sentimental qui ne sont pas sans séduction, et qu’une femme, qui n’est pas féministe, Mme Marthe Borély, développait récemment avec un talent passionné. La femme ne retrouvera son équilibre et sa voie véritable que quand elle se laissera dominer par son sexe, et par le sentiment pour lequel elle est faite, l’amour. : Il y a de l’amour dans tout ce que les femmes pensent et font de noble : car l’amour maternel, c’est encore de l’amour. L’instruction est pour la femme une forme de culture qui ne lui est pas appropriée. La vie sociale et surtout la vie sentimentale lui donnent des intuitions qui sont son mode d’intelligence à elle. Ainsi des femmes se trouvent savoir sans avoir appris. Et il y a une telle harmonie entre leurs différents dons et la vocation vraiment féminine que les femmes supérieures sont d’excellentes ménagères et que les femmes-poètes ont toujours fait des confitures. Du moins Mme Borély l’affirme. — Cette réaction toute récente contre les tendances et les conceptions que nous avons vues régner nous met au moins en garde contre de prétendues unanimités. Et on peut présumer en outre que l’opinion de celles qui ne la publient pas est plus près de la tradition que des nouveautés. Mais ce n’est pas à la majorité des voix que l’avenir de la femme se décidera. Malgré ce que nous venons de dire, c’est une autre face d’une vérité complexe qui aujourd’hui apparaît de préférence, et certains courants sont pour l’instant irrésistibles. Il faut faire la part de la nécessité, et reconnaître le droit des femmes au travail, et à l’instruction qui y prépare, et à l’indépendance qui en résulte. Ces trois choses sont liées.