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et pour des raisons que les nouveaux éditeurs ont à nouveau, autant que possible, éclaircies. Or il s’entend de reste que ce n’est pas le texte publié par Mgr de Noailles en 1709 qu’il faut lire, mais la rédaction écrite en vue de la bataille du Formulaire, lorsque, comme nous, on veut suivre la pensée de Bossuet en son cours. Et je me permettrai d’ajouter : quand on veut se donner le spectacle d’un nouveau progrès de Bossuet dans la forme. Relief plus ferme, martelé même par moments en façon de médaille ; maîtrise accrue, désormais aisée, — beaucoup plus aisée même, à mon avis, que dans les sermons ce- pendant si beaux de 1662, — de la richesse des idées et des preuves ; succession de périodes tantôt marchantes, tantôt reposées, portant le double reflet de la méditation statique et du dynamisme oratoire : cette Lettre est presque tout entière une joie pour les admirateurs du bien dire français et d’une expression adéquate au maximum de la pensée, assouplie à ses plus déliées inflexions.

Le ton d’abord est parfait. Certes, il n’était pas facile de le trouver et de le conserver, juste, décent, dans la note appropriée à la psychologie délicate de ces filles fortes et fines, mais combien superbes ! Je pense que Bossuet y a réussi. Et si parfois des juges sévères, dont je fus, ont eu l’irrévérence de dire que cette grande parole manquait parfois en ses sonorités de nuances et d’un certain tact, ce n’est pas alors, ce n’est pas ici. Fénelon, — qui a repris ce même sujet plus tard (serait-ce comme Voltaire reprenait les thèmes de Crébillon ?), et qui a dit sur l’impossible distinction du droit et du fait les mêmes choses à peu près que Bossuet, — ne les eût pas mieux dites pour les faire accepter à des saintes ombrageuses autant qu’opiniâtres.

En commençant, le doyen de Metz est modeste, comme il sied : « Je ne présume pas de pouvoir rien ajouter à ce qui vous a été expliqué par ceux qui vous ont parlé devant moi... Lisez, mes chères sœurs, avec patience, ces réflexions du moindre de ceux qui vous ont été envoyés... » Mais il ne les adule pas. Il ne les encense pas, comme Mme de Brégy, dans la lettre dont j’ai parlé ci-dessus célébrant leur « pénétration, » et leurs « lumières, » de la façon dont se laissaient louer les princesses du monde précieux. Tout humble qu’il se fasse, Bossuet parle en chef, en maître, en maître qui sait : « Je vois si clairement vos obligations que je n’en puis douter... » Il leur remémore