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engrais potassiques sont particulièrement utiles pour les céréales, la vigne, le coton, le tabac et les arbres fruitiers.

Pendant longtemps, l’industrie de la potasse est restée rudimentaire comme beaucoup d’autres. On n’employait pas de potasse en engrais, ou du moins on se bornait à savoir qu’il était bon de jeter des cendres sur le sol, et que la végétation poussait mieux quand on avait, au préalable, défriché les broussailles par l’incendie. Le salpêtre consommé dans la poudre noire était alors une des principales applications de la potasse, et on l’extrayait couramment des vieux plâtras, ou de quelques petits gisements indous. Quant à la potasse industrielle, ou carbonate de potasse, on l’obtenait surtout par un procédé barbare qui consistait à brûler des forêts pour lessiver leurs cendres, utilisant ainsi le travail des plantes qui avaient commencé par s’assimiler les traces d’éléments potassiques disséminées dans certains minéraux du sol. Si l’on calcule qu’un kilogramme de bois donne, en moyenne, 1 à 2 grammes de potasse, 4 à 5 pour les essences les plus favorables comme les sureaux et les noisetiers, on conçoit les déboisements qui étaient indispensables pour obtenir les quelques milliers de tonnes alors annuellement consommées dans le monde. Mais, depuis 1861, le caractère de cette industrie a totalement changé. C’est à cette date, en effet, que l’exploitation de la potasse fut organisée en grand dans les mines allemandes de Stassfurt en Anhalt. Et bientôt, ce gisement, par son importance minéralogique énorme, par la puissance des industries chimiques auxquelles il donna lieu, acquit un véritable monopole mondial, en même temps que la propagande commerciale, développée par des groupes industriels puissants, contribuait à répandre, à populariser partout l’usage des engrais potassiques.

En trente ans, de 1880 à 1910, la consommation de potasse dans le monde a grandi dans la proportion de 1 à 30, et toute cette potasse, à peu près sans exception, est venue d’Allemagne. La potasse, le « kali », suivant son nom germanique, s’est trouvée ainsi constituer une arme économique redoutable suspendue sur le monde entier. Le monde entier était forcé de demander à l’Allemagne cette clef de son agriculture. L’Amérique elle-même, dont le territoire si vaste renferme tant de richesses minérales et de si variées, n’échappait pas à la loi générale.