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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/322

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Pershing, pour les employer sur tous les points, des divisions encore ; à Haig, à Pétain, tous leurs bataillons.

L’ennemi est dans une situation terrible. Il a, à la fin d’octobre, perdu 4 000 canons, 250 000 prisonniers — et combien de morts ! Sa seconde ligne, de la mer à l’Argonne, semble en partie tenir ; en réalité, on la fait craquer ; si elle se rompt, l’Allemand est aux abois. Le repli entre Meuse et Escaut lui est alors imposé ; mais c’est un repli sans possibilité d’arrêt sauf au Rhin. « Dès le début de novembre, écrit-on, le haut commandement a perdu presque toute liberté de manœuvre parce que la situation des arrières était telle que les transports stratégiques étaient devenus presque impossibles. » Il n’avait pour ainsi dire plus de réserves : 11 divisions, alors qu’au 15 juillet il en avait encore 81 ; les 184 autres divisions, toutes engagées, sont éreintées, épuisées, fondent après chaque combat et ne peuvent être relevées. Que faire ? Se retirer rapidement afin d’échapper à l’étreinte ? Il faudrait alors sacrifier un matériel énorme ; or, ce matériel, il paraissait de toute nécessité de le sauver parce que, précisément, plus même que d’hommes, l’Allemand manquait de matériel ; force lui est donc d’organiser une retraite par bonds successifs, mais c’est alors les hommes qu’on sacrifie, car, attaqué sur tout le front et sans arrêt, il lui est nécessaire d’alimenter les lignes de résistance, d’y faire tuer ou prendre des milliers de soldats. Comment continuer longtemps pareille retraite en bataille que rien ne permet d’alimenter ? Par surcroît, aucune possibilité de porter rapidement d’un point à l’autre les rares disponibilités. Nous avons vu que, dès le 26 septembre, les cinq rocades avancées ont été perdues ; des quatre situées à l’arrière, une (celle de Maubeuge-Charleroi-Namur-Strasbourg) est déjà, le 1er novembre, pour une partie, sous notre feu. Les deux ailes allemandes ne sont donc plus réunies que par trois rocades et fort longues. « A la veille de l’armistice, conclut l’étude si remarquable à laquelle j’emprunte ces détails, les possibilités de manœuvre du commandement allemand étaient presque nulles ; de sorte que l’attaque alliée sur le front de Lorraine ne se serait heurtée qu’aux divisions de première ligne, en majorité de faible valeur... qu’un simple progrès sur la rive droite de la Meuse dans la région Est de Mézières aurait amené une catastrophe. »