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de Damoclès n’était déjà, ce 1er novembre, suspendue qu’à un fil. Le 13, il se devait rompre.

Or, tandis que tout se préparait pour ce suprême coup de flanc, pour cette manœuvre qui, nous menant à Luxembourg et à Trêves, à Sarrebrück et à Mayence, allait menacer sur ses derrières la retraite allemande, cette retraite était rendue fatale. Le 31 octobre, Degoutte jetait en direction de Bruxelles tout le groupe des armées de Flandre ; le 1er novembre, Haig va engager sa grande bataille de la Sambre en direction de Philippeville et de Mons ; les armées françaises de Fayolle (Debeney et Humbert) reprennent, ce même 1er novembre, la bataille de la Serre et s’apprêtent, par-dessus la ligne Hunding brisée, à courir à Chimay et Givet. Ce 1er novembre, encore, 3e et 4e armées du groupe Maistre, 1e et 2e armées de Pershing reprendront leur marche vers le Nord en direction des Ardennes et rien, cette fois, ne pourra, une heure, les arrêter. L’assaut concentrique va reprendre de la mer à la Moselle. Et dès lors, cette courte mention : « 30 octobre : Situation inchangée sur tous les fronts, » prend pour nous une signification tout autre. Ce grand silence fait songer à la minute où deux lutteurs, avant la passe suprême, se regardent au fond des yeux ; mais chez l’un, on y lit la certitude de vaincre, chez l’autre, le désespoir d’une inéluctable défaite.

A Senlis, les veillées, de laborieuses, deviennent frémissantes. On touche aux suprêmes combats.


A LA RECONQUÊTE DE LA BELGIQUE
31 OCTOBRE-4 NOVEMBRE

Le 31 octobre, le roi Albert avait donné l’ordre d’attaque. L’armée belge, portant son effort principal au sud du canal de Gand à Bruges, s’établirait à l’Est de la Lys, au Sud de Gand » La 6e armée française s’emparerait des hauteurs entre Lys et Escaut et rejetterait l’ennemi au delà du fleuve. La 2e armée britannique, accumulant la majeure partie de ses moyens à sa gauche, le borderait sur tout le front et installerait sur la rive droite une tête de pont.

Sur le front belge, l’attaque se déclencha à 6 h. 35 ; elle se heurta à une résistance opiniâtre sur les rives du canal ; l’ennemi y avait accumulé les mitrailleuses et écrasait sous le