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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/375

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même, être dans l’affaire, tout le monde en était convaincu, et ce n’était là qu’une « anticipation ; » que Bernadotte, — ci-devant prince de Ponto Corvo, et maréchal d’Empire, à présent prince héréditaire de Suède, — eût fait ses accords contre la France avec les Anglais et les Russes nul n’en doutait, et cette opinion unanime constituait pour lui un premier châtiment ; mais tout cela était suppositions, conjectures, hypothèses, nulle part réalités. La réalité c’était Malet. C’était que les quatre ou cinq polices auxquelles étaient confiées dans la capitale, la sécurité du régime impérial et la protection de l’Impératrice et du Prince impérial, n’avaient rien soupçonné, rien deviné, rien prévenu, rien empêché. Les quatre premiers actes du drame avaient pu être joués sans le moindre accroc, et si la péripétie avait échoué, c’est qu’elle était injouable. La police civile, ni celle du duc de Rovigo, ni celle du baron Pasquier, n’y était pour rien, et quant à la police militaire, ni celle de la Gendarmerie d’élite qu’avait ci-devant organisée Savary, ni celle de la Gendarmerie, que dirigeait le duc de Conegliano, ni celle du ministère de la Guerre, que commandait le duc de Feltre, ni celle de la place et de la division, n’avait rien su, ni rien empêché, puisque Malet avait pu venir assassiner Hulin dans son cabinet, et qu’il s’était fait prendre par Doucet et Laborde en voulant les tuer. La police prévient les attentats ; si ses chefs en sont réduits à attendre que messieurs les assassins viennent les tuer à domicile, quelle sécurité pour le public !


LES JUSTIFICATIONS DE LA POLICE

Les directeurs des diverses polices se sentaient si fortement compromis, qu’ils s’efforcèrent, les uns et les autres, à des justifications. Seul, Hulin avec sa balle non extraite était en belle posture, et il pouvait écrire à l’Empereur, dès le 24 : « Sire, il était tout simple que des bandits qui voulaient troubler votre bonne ville de Paris, cherchassent à ôter la vie à celui qui aurait su mourir pour l’accomplissement de ses devoirs, mais c’était me donner mille fois la mort que de m’alarmer sur les jours de votre personne sacrée. Il m’est donc permis de jouir de la seule consolation qu’on pourrait m’offrir dans ma triste situation, en m’apprenant que V. M… n’a point cessé de jouir d’une santé dont tous les fidèles sujets voudraient