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Hohenzollern, se l’attache corps et âme, et celui-ci se jette dans les bras de Berlin.

On croit rêver lorsqu’on voit ce fou, dans sa vieille maison délabrée, essayer de se mettre sur le pied de l’Allemagne, de copier la Prusse en Autriche. Ce pays qui ne tient pas debout, dont l’équilibre est un problème, il rêve de l’agrandir encore, il rêve de colonies ! « Il y aura un de ces jours une explication entre l’Angleterre et l’Allemagne. L’Allemagne s’adjugera un bon morceau d’Afrique. Il faut être prêts. Comment la petite Belgique, comment le Portugal pourront-ils, à la longue, garder leurs possessions africaines ? Ils ne vivent en Afrique que grâce à l’appui de l’Angleterre et de la France... Soyons prêts ! » Ainsi va ce mégalomane, et les patriotes d’applaudir, ils applaudissent encore lorsque, ne pouvant venir à bout des Slaves de la Monarchie, on ne trouve pas de meilleur moyen d’y parvenir que d’annexer encore la Bosnie et l’Herzégovine. C’est la première « victoire » de François-Ferdinand. « Vous ne voyez donc pas ce guêpier qui nous pend sur la tête ? Nos amis les Obrenowicz, on nous les a assassinés, afin de mettre à leur place des créatures du Tsar. Pourquoi ? C’est clair. Depuis le nouveau gouvernement, c’est une propagande enragée contre nous dans toute la Serbie. Les Serbes veulent la Bosnie. Il le faut pour le Tsar. » Et la nervosité de l’archiduc ne fait plus que croître. Le temps tourne à l’orage. On ne peut plus respirer autour de l’Allemagne sans que l’Allemagne y voie une provocation. Déjà à deux reprises l’Autriche a mobilisé. « Ça a coûté les yeux de la tête, mais ce n’est pas trop cher. Cela vaut dix grandes manœuvres. » Mais va-t-on s’en tenir à cette « répétition ? »

Au moment de l’affaire balkanique, on croit que l’heure du lever de rideau est arrivée. « Eh bien ! mon cher professeur, vous ne la voyez pas venir ? La guerre, la terrible guerre... Seulement, ils ne sont pas prêts. Nous non plus. Il nous faut des canons, des canons, des canons. Et il nous faut seize dreadnoughts. Nous les aurons avant huit ans. Toute la question est de savoir si nous avons huit ans devant nous... Le moral de l’armée est magnifique. Cette double mobilisation coup sur coup a mis toute la jeunesse en train... Il n’y a qu’à laisser la poêle sur le feu... »

Voilà les propos que l’archiduc tenait en 1912. Et désormais,