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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/700

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élève. Les cantilènes de M. Henry Février ont une tendance regrettable à se pencher de la même manière.

Gismonda ne se penche pas autrement vers son petit garçon, objet en mainte rencontre, avant la fosse ou après, de ses menues et par trop puériles complaisances. « Sois bien sage, bien obéissant et maman te donnera deux jolies tourterelles. » Les paroles sont à peu près dans ce goût et la musique ressemble aux paroles. Elle ne perd pas une si favorable, — ou déplorable, — occasion d’achever la mélodie ou la période par un port de voix, pianissimo, sur une note haute et prise en douceur. Rien n’est rebattu comme les conclusions de ce genre, que nous n’appellerons pas des cadences, puisque, au lieu de tomber, elles montent. La partition de M. Février abonde en semblables gentillesses. Un entracte, qui devient air de ballet, puis, en guise d’épilogue, chœur dans la coulisse, a paru plus qu’innocent. Il a redoublé, si même il ne l’a portée jusqu’à l’admiration, notre ancienne et fidèle sympathie pour la barcarolle vénitienne des Contes d’Hoffmann.

En vérité, le souvenir déjà lointain de Gismonda ne revient en nous que pour évoquer les plus banales figures sonores. L’œuvre est pleine de tout ce qui fit autrefois, non pas le fond, solide et résistant beaucoup plus qu’on ne l’assure aujourd’hui, mais l’appareil extérieur du « grand opéra. » Nous en reconnaissons l’action, volontiers mélodramatique, et les décorations et les ensembles, sacrés ou profanes : un couvent et des cloches ; une cathédrale, avec défilé cérémonie, et même, ce qui n’est jamais très plaisant, pantomime sacerdotale, voire épiscopale, un évêque étant ici de rigueur : évêque baryton ou basse, qui s’exprime dans un style ampoulé, pseudo-liturgique. Les cuivres l’accompagnent, marques de sa dignité ; mais, signe d’onction et de componction, des cuivres assourdis et comme voilés. Ceux-ci prennent ailleurs une bruyante revanche. Après le premier acte, un spectateur se plaignait d’être « du côté des cuivres. » Par moments on aurait cru qu’il n’y avait pas d’autre côté. Nombreux et variés sont les chœurs : sur la scène ou dans la coulisse ; chœurs de religieuses, chœurs de fête, avec tambours de basque obligés ; chœurs et fanfares de chasse, chœurs à bouche fermée et grande ouverte tour à tour. Ils n’ont rien de plus original, rien de moins attendu que les soli. Convenable, et de tout repos, hormis les cuivres tapageurs, est généralement l’instrumentation. Nous avons parlé de la flûte et des violoncelles, au moins de l’un d’eux Les harpes ne manquent pas non plus une occasion d’intervenir.