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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/832

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attendant à toute heure une lettre qui me faisait partir ? Je n’ai pas une ligne de faite sur les Paysans !

Ici, Mme de B(rugnolle) n’a pas non plus ni fait de provisions pour l’hiver, ni pu rien résoudre. Ça a tout désorganisé. Au point de vue des intérêts, ça a été fatal. C’est deux mots que tu ne peux pas comprendre, car tu ne sais rien de l’économie parisienne ni des moyens pénibles qui constituent la vie d’un homme qui veut vivre avec quatre mille francs par an. Ainsi, je dois absolument quitter P(assy) où je suis trop à l’étroit ; eh bien ! je n’ai rien osé faire, car si je suis absent huit mois, Mme de B(rugnollej peut rester là, à garder les meubles. Mais le plus grand malheur est mon inoccupation. Comment puis-je me jeter dans un travail absorbant, avec une idée comme celle de partir sous peu, d’aller revoir mon louloup ? C’est impossible. Il faudrait n’avoir ni tête ni cœur. J’ai été tenaillé, torturé, comme jamais je ne l’ai été. C’est un triple martyre, celui du cœur, celui de la tête, celui des affaires ! El, avec mon imagination, il a été si violent, que je déclare que j’en suis hébété, si hébété, que pour échapper à la folie, je me suis mis à jouer au lansquenet, et à aller en soirée chez Mme Merlin (et chez d’autres). Il fallait bien appliquer un moxa sur un pareil mal. Je n’ai, fort heureusement, ni perdu, ni gagné. Je suis allé au spectacle, dîner en ville ; enfin, j’ai fait une vie folle depuis quinze jours. Maintenant, je vais essayer de travailler nuit et jour, d’aujourd’hui 15 février au 15 mars, de finir les Paysans et un petit bout de livre pour Chlend(owski).

Je vais t’envoyer par les messageries le tome XI de la Com(édie) Hum(aine), où est Splendeurs et Misères des Courtisanes, le tome IV, où est Modeste Mignon et la fin de Béatrix, puis le Diable à Paris. Ces trois livres t’amuseront peut-être ? Si la réduction de mon buste de David est faite, je te l’enverrai également. Non seulement l’achèvement des Paysans est une nécessité absolue, devant laquelle tout doit céder, relativement à la littérature et à la réputation de loyauté que j’ai pour les engagements de plume, mais c’est d’une absolue nécessité pour mes intérêts. Cette année est une année climatérique pour mes affaires.

Sous quarante-cinq jours l’impression de la Com(édie) Hum(aine) va se terminer.

Les libraires ont mis là-dessus les deux plus fortes imprimeries