Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/859

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

élaborèrent et qui donne l’idée de la nature de leur libéralisme. Dans cette constitution, le président de l’Empire était élu pour sept ans, au suffrage universel direct, et indéfiniment rééligible. Il nommait tous les employés et tous les officiers. Il avait le pouvoir de convoquer le Reichstag, de l’ajourner, de le clôturer, de le dissoudre. De même pour le Conseil des États. Quel beau tremplin pour une dictature !

En revanche, leur conception de l’organisation de la nouvelle Allemagne était toute révolutionnaire. D’après l’article 11 du projet de Constitution, toute fraction d’un des États actuels, à condition qu’elle comprit au moins deux millions d’habitants, recevait le droit de se séparer pour constituer un Etat particulier.

On conçoit l’émoi que cette proposition produisit en Prusse. Cet Etat, formé pour les trois quarts de rapines encore récentes, de provinces annexées malgré elles et que la prospérité de l’Empire avait rendues certainement impérialistes, mais sans les prussianiser profondément, se voyait menacé de dislocation. Et cette menace de démembrement se produisait au moment où l’Assemblée nationale, craignant Berlin trop troublé par l’émeute, se réunissait à Weimar ! Sans doute ce n’était, disait-on, que provisoire. Néanmoins, Berlin se voyait menacé dans sa situation de capitale de l’Empire. Après avoir rêvé d’être la nouvelle Rome d’une Europe entièrement germanique, Berlin se trouvait à la veille de n’être plus que la capitale d’une Prusse encore diminuée.

C’est que le danger pressait. Un ministre, Preuss, avait établi un projet d’organisation fédérative de l’Empire en une huitaine d’États de six à dix millions d’habitants. Les ambitions commencèrent à se faire jour. Le Centre donnait le branle avec ses projets de création d’États rhénans ; les guelfes du Hanovre s’agitaient. En pleine séance du Landtag saxon, le ministre de l’Intérieur affirmait la nécessité de l’agrandissement de la Saxe aux dépens de la Prusse, Sachsen muss erweitert werden. La Prusse, disait-il, va être nécessairement divisée en plusieurs États complètement distincts ; le moment est donc venu d’exposer les revendications saxonnes. Notre pays, continuait-il, est trop exclusivement industriel ; les derniers temps ont bien montré qu’un Etat doit comprendre, pour vivre, une proportion convenable de terrains agricoles. En conséquence,