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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/86

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fondent à vue d’œil. Car, si l’armée allemande était déjà, le 8 octobre, dans l’état matériel et moral que j’ai dit, qu’était-ce après les éclatantes et meurtrières défaites encore essuyées pendant les six derniers jours de l’assaut allié ? Les Allemands, en vérité, se savaient perdus. L’aveu s’en inscrivait déjà dans la demande d’armistice adressée, sur l’initiative et sur les instances pressantes de l’Etat-major lui-même, par le nouveau chancelier au président Wilson.

Foch, nous l’avons vu, en a bien compris le sens. Le désir d’épargner le sang des hommes, affiché par le chancelier, ne leurre personne et moins que personne ce vieux routier de la guerre qu’est le Maréchal commandant en chef les armées alliées. L’ennemi, vaincu en vingt rencontres depuis le 18 juillet, se sait sur ses fins et, avant d’être forcé en ses derniers retranchements, demande l’armistice parce qu’il sait que, la position Hindenburg ayant été partout forcée, aucune position, si fortifiée qu’elle soit, ne résistera longtemps à des armées qui, dans la main d’habiles manœuvriers, viennent de faire preuve d’une si rare capacité combative.

En d’autres temps, sa foi eût été moins facilement ébranlée. S’il a préparé, derrière la ligne Hindenburg, ces fortes positions qui, de Lille à Metz, semblent encore défier l’assaut, c’est qu’il a, jadis, décrété que, même dans « l’hypothèse improbable » d’une passagère défaite sur la première position, il saurait tenir sur la seconde, la troisième, la quatrième. Mais en ce milieu d’octobre, les positions restant ce qu’elles étaient, une chose manquait : la foi qui seule les pouvait faire inexpugnables. Sans doute, le Commandement affiche-t-il cette foi : le 19 octobre, le commandement du LIVe corps écrit : « Le groupe d’armées du kronprinz de Bavière va accepter la bataille décisive sur la position Lys-Hermann. Cette position doit être tenue à tout prix. » Et le kronprinz impérial, de son côté : « La défense de la position du canal de l’Oise à la Sambre est d’une grande importance pour le front du groupe d’armées : je compte expressément que l’armée tiendra sa nouvelle position coûte que coûte. » Et vingt ordres et proclamations s’imprègnent de ces grandes résolutions. Mais pour le Haut Commandement, cette défense déjà n’est plus qu’un procédé d’ajournement : il espère que, tenus en échec quelques jours, peut-être quelques semaines, devant ces nouvelles positions, les Alliés seront plus portés à