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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/866

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les gouvernants ne portaient plus que l’étiquette de ce parti et s’étaient inféodés aux chefs réactionnaires.

Puis, l’assemblée avait été résolument pacifiste. La motion finale, adoptée à une grande majorité, contre les seuls démocrates, « condamnait la politique d’excitation nationaliste, propre à aggraver les conflits entre les peuples et surtout entre la France et l’Allemagne. » Des orateurs, parmi lesquels se trouvait Kaliski, socialiste majoritaire autrefois influent, avaient pu, aux applaudissements de l’Assemblée et des tribunes publiques, plaider chaleureusement un rapprochement avec la France, déclarer qu’Erzberger calomniait Foch et Clemenceau et reprocher au gouvernement son attitude intransigeante dans la question d’Alsace-Lorraine.

La presse, tenue en laisse comme au bon vieux temps, parlait à peine de ces manifestations. Le gouvernement avait son siège fait. S’il avait été composé d’autres hommes que de ces fantoches, il aurait pu, appuyé sur le sentiment populaire, inaugurer une politique loyale dans ses relations extérieures et franchement républicaine dans l’ordre intérieur. Mais il n’en avait cure. Comme ils avaient été domestiqués au Kaiser et au pangermanisme avant et pendant la guerre, ils l’étaient maintenant à ses représentants.

Et, peut-être, pour la grandeur future de leur pays, avaient-ils raison. Mais cette attitude montre le peu d’honnêteté politique ou le manque de caractère des dirigeants d’alors. Et surtout, il importe que le monde ne se fasse pas d’illusions.


UNE SÉRIE DE MANIFESTATIONS

Les 8 et 9 mai, les journaux publiaient les conditions de paix. A Berlin, en dehors de quelques cercles aristocratiques et pangermanistes l’effet produit fut insignifiant. La fête que menait Berlin depuis le 9 novembre, à peine ralentie aux jours d’émeute, continua à battre son plein. Le 10, qui fut un magnifique dimanche de printemps, toute la ville était en liesse. Dans les lieux de plaisir, bondés plus que jamais, on ne s’occupait que des distractions du jour. En signe de désolation nationale, on avait prescrit une semaine de deuil : jamais on ne vit tant d’affiches indécentes, de cortèges d’hommes-affiches, promenant des images de petites femmes à