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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/884

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LA PRIÈRE


Pareille aux formes que l’on voit sur les verrières,
Les mains étroitement rejointes, la Prière,
Longue et haute, plongeur inverse, pur élan
D’esprit insexué vers ce gouffre de grâce,
L’élément violet de son nouvel espace
Où déjà sa ferveur la soutient en tremblant,
Hésite, monte, souffre en l’ombre d’améthyste ;
Elle s’égare et pleure, inconsolable et triste,
Car l’ange encore humain ne connaît pas son ciel...
Quand, perdu dans l’espoir des choses étoilées,
Soudain, s’ouvrent en lui des puissances ailées,
Qui divisent son être, et le font immortel !


DIALOGUE


Résignez-vous, mon âme, aux choses imparfaites ;
Transformez-vous, changez, passez avec le temps ;
Quittez vos anciens biens pour de neuves conquêtes
Et dans l’oubli, les deuils, les travaux et les fêtes
Reflétez l’univers aux rythmes inconstants.

— Pourquoi ? J’ai le dégoût de ces grâces d’une heure ;
De ce monde où tout change afin de vivre encor ;
Je voudrais ce qui dure avec ce qui demeure
Et fixer, haut et loin de tout ce qui vous leurre,
Le vol resplendissant d’un immobile essor...

— Ma dernière saison va s’effeuiller... Mon âme,
Il me faut en cueillir les suprêmes beautés.
Taisez votre rumeur, votre ordre et votre blâme :
Je veux me défleurir dans mes jardins de femme
Parmi la passion des défaillants étés.

— Il n’est point de bonheur dans les amours mortelles ;
Détournez vos regards de ces sombres plaisirs.
Il est terrible d’être aimée et d’être belle ;
Tout ce qui crie en vous, éphémère et rebelle,
Impitoyablement, écoutez-le finir.