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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/889

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déjà fort célèbre à cette époque, et peut-être sont-ils roulés dans quelque réduit de l’ancien Stadhuis d’Amsterdam. Mais, vérification faite, les fragments proposés n’avaient aucun rapport ni avec la Prise d’armes, ni avec la main de Rembrandt. C’était un leurre.

Pourtant, la déception ne fut pas sans résultat pratique, puisque cette aventure, assez romanesque, avait remis à l’étude la fameuse question de la Ronde de Nuit, dont les solutions proposées par Fromentin et par Emile Michel, sont dues à des impressions personnelles et à des arguments de peintre, tandis qu’on pourrait la résoudre par l’examen des documents, sans négliger l’étude de la technique de l’œuvre, mais à un autre point de vue.

Tout d’abord, et contrairement à une tradition erronée, il convient d’isoler cette vaste toile de l’ensemble des Tableaux de corporations, ces innombrables Schutlersstucken, Schuttersmaaltijden et Corporaalschapen, qui ne sont que des réunions de portraits commandés par souscription, égale pour tous, entre certains tenants d’une compagnie milicienne, et que l’artiste devait mettre sur le même plan, dans la même lumière, même si le peintre s’appelait Franz Hals ou Van der Heltz, et dont la mode sauva l’école hollandaise du désastre artistique que les triomphes de la Réforme apportaient dans d’autres pays, comme à Strasbourg, en arrêtant la production des tableaux religieux, ressource ordinaire de tous les peintres. Car Rembrandt n’eut pas à exécuter de Schutterstuck selon le programme imposé à tant d’autres artistes, ainsi qu’on le verra tout à l’heure. Son programme fut tout différent ; et tous ceux qui ont étudié son tableau, en se fondant sur ce qu’il aurait dû faire pour résoudre le problème proposé à Franz Hals dans les Archers de Saint-Georges et de Saint-Adrien, à Thomas de Keyser peignant les Compagnies du capitaine Allart Cloeck, en 1632, et celle de Jacob de Vries, en 1633, puis à Van der Heltz, plus tard, pour la paix de 1648, tous ceux-là se sont égarés parce que ces comparaisons n’étaient pas utiles en l’espèce, sauf au point de vue du métier. — La route du Havre à Paris ne sert de rien à qui veut aller dans les Alpes, et le plus court eût été de se renseigner sur le programme de Rembrandt.

Or, il est indiqué dans une aquarelle exécutée sur le Livre de famille de Franz Banning Cocq, qui commanda au jeune