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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/896

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dont les textes de Fromentin disent, éloquemment, l’émotion communicative ! On le précise aussi sûrement, dans certains croquis, comme celui du Serviteur infidèle, ce chef-d’œuvre de la collection du maître Bonnat, dans tant d’eaux-fortes magnifiques dont les titres s’imposent à nos yeux, et nous voudrions que Rembrandt n’eût pas mieux compris l’exécution de sa plus vaste toile, à l’heure décisive de sa carrière, dans la joie de ses trente-cinq ans, alors qu’un fils lui est né et qu’il tend les bras à la gloire ? Non ! cette erreur ne peut lui être imputée que sur des preuves vérifiées et ces preuves justifient son œuvre !

Je suppose que c’est Rembrandt, lui-même, qui ordonna le programme de ce tableau, si parfaitement conforme à sa conception du portrait en action et si adéquat à la réalisation de la Prise d’armes. Il avait dû assister, bien des fois, à ces Ordonnanties journalières que le service de garde de la Cité, engagée dans les guerres de l’Indépendance et menacée par l’hégémonie des princes de Nassau, multipliait dans les différents quartiers, vers le soir, pour les postes de nuit du Dam et des onze portes des remparts.

On sait comment s’ordonnait une Prise d’armes de miliciens, dont l’événement principal consistait, comme aujourd’hui dans nos armées démocratiques, dans la cérémonie de la remise du drapeau déposé chez le colonel, et salué par la troupe au son des tambours et dans le cliquetis des armes.

Or, que se passe-t-il ici ? C’est par un soir doré des premiers jours d’automne. Il est tard ; le soleil décline. Ses rayons obliques ne baignent plus la façade méridionale du riche hôtel, aux trois pignons sculptés, que le seigneur de Purmerland possède sur le Singel, au coin de la Bergstraat. Les volontaires de la milice ont fermé leurs boutiques, à l’appel des trois tambours et se sont assemblés en dehors du cadre, sous les arbres rouilles, au long du quai, après avoir déposé leurs piques contre la façade de l’hôtel. L’un des sergents s’est même assis, sur la borne du parapet du pont, en s’appuyant sur la hallebarde, insigne de son grade. Une bonhomie souriante préside à ces apprêts d’une garde de nuit, entre bourgeois de la même rue, ou du même quartier, qui font un service bénévole. Nulle discipline tracassière, avant la sortie du drapeau.

Mais le vraandig est arrivé. Il a pénétré, avec l’escorte d’honneur