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L’Alsace, avant la guerre, comptait trois grands partis politiques : le Centre alsacien comprenant surtout les éléments catholiques ; les socialistes ; le groupe libéral-démocratique. Chaque parti souffrait d’une assez forte infiltration germanique. C’était fatal. Dès 1906, les catholiques alsaciens s’étaient rapprochés du Centrum d’outre-Rhin. Il convient cependant de faire observer que les députés catholiques d’Alsace au Reichstag formaient un petit groupe à part et que, pendant la guerre, ils s’abouchèrent plutôt avec la fraction polonaise. Les socialistes avaient partie liée avec Berlin depuis 1890 et les députés élus en Alsace faisaient corps avec le groupe parlementaire de la social-démocratie allemande. Quant aux libéraux-démocrates » ce n’est guère que vers 1909 qu’ils se décidèrent a pactiser avec la Volkspartei, ou parti populaire, de l’Allemagne du Sud.

Lorsqu’éclata la guerre, l’Alsace était représentée au Reichstag par six députés du Centre (MM. Wetterlé, Delsor, Hauss, Ricklin, Haegy et Thumann), quatre députés socialistes (MM. Peirotes, Fuchs, Roehle et Emmel) et un député libéral-démocrate (M. Rœser).

Le retour de l’Alsace à la France produisit une épuration radicale dans chaque parti : tout ce qui était allemand fut éliminé. C’est ainsi que les catholiques alsaciens se trouvèrent débarrassés d’un homme extrêmement remuant et dangereux, le professeur Spahn, qui, très souvent, s’était attaqué a M. l’abbé Wetterlé et avait fini par gagner une partie du jeune clergé a ses idées.

Chez les socialistes l’épuration fut plus complète encore. Sur les quatre députés dont je viens de citer les noms, trois étaient des Allemands d’outre-Rhin : MM. Bœhle, député de Strasbourg-ville, Fuchs, député de Strasbourg-campagne, et Emmel, député de Mulhouse. Ce dernier prit la fuite avant l’entrée des poilus du général Hirschauer dans la grande cité industrielle du Haut-Rhin. L’ancien député de Strasbourg-ville se morfond actuellement dans le petit village badois de ses pères et M. Fuchs, d’origine saxonne, dut être expulsé manu militari. Les nombreux fonctionnaires allemands qui s’étaient réfugiés dans le parti libéral-démocratique, passèrent également le pont de Kehl et l’un des fondateurs de ce groupement, M. Goetz, s’en fut à Weimar afin d’amener l’Assemblée législative du nouveau « Reich » à protester aussi solennellement