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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/916

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Eh bien ! ce que nos pères et devanciers ont fait lorsqu’ils étaient encore sous la botte d’un Bismarck, ce nouveau plébiscite d’Alsace et de Lorraine ne pourrions-nous pas le réaliser aussi sous le régime de la liberté ? Ne pourrions-nous pas montrer au monde entier et à l’Allemagne en particulier qu’avant tout nous sommes heureux d’être redevenus Français ? Ne devrions-nous pas célébrer solennellement aux prochaines élections cet ineffable bonheur d’être réintégrés dans la mère-patrie en nous groupant tous, cette fois, autour du drapeau national et en mettant à l’arrière-plan toutes les revendications et questions qui nous ont divisés jusqu’à présent et nous diviseront sans doute encore dans l’avenir ?

En face de l’Allemagne aux aguets soyons unis et ne faisons pas le jeu de nos anciens oppresseurs en nous déchirant réciproquement à ces premières élections françaises. Laissons à la future Chambre des députés le soin de trancher certaines questions dont l’urgence ne s’impose nullement et manifestons ensemble, socialistes, radicaux, cléricaux et libéraux d’Alsace, notre immense joie d’être retournés à la France, en votant pour une liste nationale commune. Ce serait le plus beau don de joyeux avènement que l’Alsace pourrait offrir à la France qui a sacrifié ses enfants pour nous reprendre. France d’abord ! Tel doit être notre mot d’ordre commun.


La noble proposition émise par l’auteur de cette lettre ne put être réalisée. En effet, le 8 septembre, trente délégués de la Fédération socialiste du Bas-Rhin se réunissaient à Strasbourg et décidaient, par 16 voix contre 14, de s’abstenir de tout compromis électoral avec les électeurs bourgeois. En conséquence, les socialistes marcheraient seuls aux urnes ! Une décision analogue fut prise par la Fédération socialiste du Haut-Rhin. Ces deux décisions étaient d’ailleurs conformes au mot d’ordre donné par le Congrès national socialiste de Paris.

Dans le Haut-Rhin, les autres partis, — appelons-les « bourgeois » pour simplifier les étiquettes, — formèrent un Bloc National après de laborieux pourparlers. Ce Bloc comprenait les catholiques, les libéraux-démocrates, les radicaux, soit tous les éléments d’ordre sans distinction de croyances et d’opinions. Quelques petits groupements qui s’étaient constitués sous différents noms adhérèrent également à ce Bloc, où l’on rencontrait les comités Mascuraud, les prêtres, les pasteurs, les industriels, les syndicats d’ouvriers indépendants, etc. À l’exception des socialistes, qui s’étaient exclus eux-mêmes, on venait donc de réaliser cette union nationale préconisée par M. le docteur Kayser.