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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/925

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ses sentiments. La Lorraine, du commencement d’août au milieu d’octobre, a traversé une crise assez grave. Quiconque eut l’émotion, le 19 novembre 1918, d’assister à l’entrée du maréchal Pétain dans la ville de Metz fleurie de tricolore, n’oubliera jamais l’enthousiasme, recueilli et comme mouillé de larmes, avec lequel furent salués nos soldats. Quiconque, quelques jours plus tard, a parcouru les campagnes à la suite de nos bataillons, n’a pu douter de l’immense élan qui soulevait les cœurs. Les Lorrains se jetaient, un cri de joie aux lèvres, dans les bras ouverts de la France. Depuis lors des griefs, que la Revue a exposés, avaient créé dans la population des inquiétudes, un sourd mécontentement. Des agitateurs, dont presque aucun n’était d’origine lorraine, s’empressaient à les exploiter. Une propagande insidieuse s’exerçait, non point ouvertement en faveur de l’Allemagne, elle n’aurait eu nulle chance de succès, mais en faveur d’une Lorraine indépendante et neutre à laquelle on promettait un avenir de félicité. Cette propagande, qui s’associait dans quelques centres miniers à une action bolchéviste, obtenait un effet double : elle séduisait un nombre important d’ouvriers, des incidents, dont plusieurs dans la première quinzaine d’octobre furent des plus sérieux, en ont fourni la preuve ; par contre-coup, elle irritait les paysans qui ne parvenaient pas à comprendre pourquoi les fauteurs de désordre jouissaient d’une liberté si complète.

Au dernier moment, le péril fut conjuré. Il le fut avant tout par le bon sens du peuple. Parmi les ouvriers eux-mêmes, et d’abord parmi les cheminots, une réaction se produisit ; les organisateurs des grèves successives qui désolaient le pays, enhardis par l’impunité, commirent des imprudences qui les rendirent suspects à leurs propres camarades ; sur ce seul programme : « Vive la France ! » des groupements indépendants se constituèrent ; leur recrutement fut d’une rapidité significative : en quelques semaines, leur effectif a dépassé celui des anciens syndicats. Un geste du gouvernement a servi cette évolution. Instruit par les incidents d’octobre, il s’est départi de son indifférence apparente ; la loi, qu’on laissait dormir, fut appliquée, sans brutalité, mais fermement ; des arrestations, des condamnations, dont une à mort, donnèrent les avertissements, utiles. Il n’en fallut pas davantage pour mettre un terme aux excitations anarchistes et pour calmer, en les rassurant