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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/192

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Avant la guerre, notre flotte marchande, alors déjà insuffisante, comptait 2 300 000 tonnes. Pendant le cours des hostilités, nous avons complètement négligé la mise en chantier des navires marchands pour nous consacrer uniquement à la fabrication du matériel militaire ; de ce fait, plus de 500 000 tonnes, qui figureraient aujourd’hui dans notre tonnage de commerce, n’ont pu être construites. D’autre part, les sous-marins allemands nous ont détruit 921 000 tonnes de navires. Conséquence : au 1er janvier 1919, notre flotte marchande était réduite à 1 886 000 tonnes, alors que, de l’aveu de tous, il nous en faudrait 5 millions pour assurer notre mouvement commercial.

Telle est en effet, comparée à celle des marines concurrentes, la situation de la marine française. Le pourcentage de variation de la flotte de commerce française du fait de la guerre atteint — 26,17 pour 100. Il est de — 16,11 pour l’Angleterre, de + 27 pour le Japon, de + 25,16 p. 100 pour l’Amérique. Nous avons perdu, soit par actes de guerre, soit par captures, soit par incidents de mer, 1 128 000 tonnes, nous n’en avons récupéré que 459 000 ! L’Angleterre, qui a récupéré 5 600 000 tonnes, n’en a perdu que 9 055 000. C’est dire que, pendant que l’Angleterre rattrapait les trois quarts de ses pertes, nous ne parvenions même pas à combler le tiers des nôtres. Quant à la flotte des États-Unis, elle s’augmentait de 1 995 000 tonnes, celle du Japon de 470 000 tonnes.

On se demande tout d’abord si l’Etat n’a pas failli à ses devoirs en laissant se créer cette situation. Il n’est pas démontré qu’il fût nécessaire d’arrêter complètement les chantiers de constructions navales : nous estimons que, tout en obtenant de ces établissements certaines fabrications militaires, il eût été possible de ne point renoncer à toute mise en chantier de bâtiments qu’on eût exécutés en série et que nous serions forts heureux d’affecter aujourd’hui à nos transports commerciaux… De plus, en perdant tout espoir, dans l’intérêt commun des belligérants, de remplacer ses navires détruits par l’ennemi, la France était en droit de demander des garanties à ses alliés pour obtenir qu’on lui tint compte, dans la signature du traité de paix, de cette renonciation volontaire a toute construction navale. Or, il semble bien que personne ne se soit préoccupé sérieusement de demander de tels engagements. Il n’est guère douteux que, si la question leur avait été nettement posée, les