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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/201

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que de leur passer des commandes, s’il est démontré qu’on y gaspille la main-d’œuvre si précieuse à l’heure actuelle. Au lieu de cela, il est à craindre qu’une coopération aussi vaste de leur part au programme de reconstitution de la marine marchande ne provoque l’extension de ces établissements et l’embauchage de nouveaux ouvriers, ce qui serait très regrettable. On essaye actuellement d’industrialiser nos ports militaires, pour les orienter vers une production plus active. Mais ! e meilleur ministre ne saurait obtenir de ces usines qu’elles travaillent économiquement. M. Leygues a fait avec juste raison appel à la compétence de MM. Cauquil et Cuvelette pour inspecter les directions de travaux de son département. Les rapports de ces deux spécialistes sont bien sévères pour nos arsenaux, et les propositions auxquelles ils aboutissent sont pour la plupart irréalisables. Je n’en citerai qu’un exemple. Sous Louis XV, les Forges de la Chaussade avaient été installées à Guérigny, le long d’une rivière qui alimentait les souffleries. On tirait alors du sol voisin le minerai nécessaire à la fabrication du fer, et les épaisses forêts du Nivernais fournissaient le combustible. Aujourd’hui, on y brûle de la houille qui arrive de l’autre bout de la Fiance. Le minerai provient d’une direction opposée ; la Nièvre n’est même pas en état de fournir l’énergie électrique voulue pour l’éclairage de l’usine. Quant au charbon de bois, il y a longtemps qu’on ne l’emploie plus pour l’affinage du fer, et MM. Cauquil et Cuvelette concluent qu’il faudrait transporter l’usine de Guérigny sur les bords de la Loire. Nous laissons au lecteur à penser si ce déplacement est possible, et de quelles protestations le Parlement saluerait un ministre qui aurait un instant l’idée de donner suite à une proposition, très sage, mais si peu politique !

Lorsque les arsenaux de la Marine établissent des prix de revient, ces prix sont en apparence égaux à ceux de l’industrie, mais on oublie d’y faire rentrer les éléments les plus importants, c’est-à-dire les frais généraux d’administration et d’usine qui majoreraient ces prix de revient de plus de 200 p. 100. A noter que l’Etat n’a pas d’impôts à payer, qu’il ne prévoit pas d’assurance pour son matériel, ne compte pour rien le terrain sur lequel il est installé, ne rémunère aucun capital, et n’a point de service d’obligations à assurer. Le compte courant du Trésor se plie gratuitement et toutes les fantaisies