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dans les lettres anglaises qu’à titre d’Américain. Quelques autres étaient des poètes encore à peu près ignorés, de tout jeunes gens frais émoulus d’Eton ou de Rugby, et dont je ne connais d’autres vers que les fragments cités dans leur nécrologie. Il y a, dans le nombre, des amateurs, des diplomates, des peintres, un champion de tennis, un auteur dramatique, Harold Chapin, qui a écrit de charmantes esquisses populaires, un critique comme Dixon Scott, auteur de ces spirituels essais, sur l’Ingénuité de Bernard Shaw et la Tendresse de Rudyard Kipling ; un colon de l’Est africain, Brian Brooke, géant que les indigènes appelaient Korongo, et qui depuis longtemps, sur les confins de l’Ouganda, avait appris à lutter contre l’influence allemande, auteur de vers un peu barbares sur la faune tropicale. Il est fort difficile à un étranger d’apprécier, d’après de si courts exemples, la perte qu’a pu faire en eux le génie anglais. A cet âge où les œuvres sont rares, où les plus beaux talents ne sont guère que promesses, seul un cercle d’intimes peut avoir une impression réelle de ce qu’aurait pu donner l’âge mûr. Que peut-on dire d’un enfant mort à vingt ans, comme Charles Sorley ? Pour qui ne l’a pas connu, ce n’est qu’une fleur, une espérance : elle a été trop tôt ravie pour qu’il soit permis d’en dire davantage. Elle se confond pour nos regrets dans cette foule impersonnelle de jeunesses fauchées, dans cette aube vite ensanglantée et qui n’aura pas vu le jour.

Ces figures demeurent forcément un peu lointaines et imprécises pour le lecteur français. Leurs traits ne sont pas assez distincts pour nous permettre de saisir ce qu’elles apportaient de nouveau. Il faut donc dans le nombre en choisir une qui soit plus représentative, plus aisée à étudier et qui nous montre, avec un relief plus certain, quelques-unes des qualités de l’Angleterre nouvelle. Ou se rappellera sans doute la belle étude que Mme Jean Dornis publiait ici même, voilà bientôt deux ans, sur le poète Rupert Brooke. Depuis lors, des éléments nouveaux sont venus entre nos mains et en particulier des extraits de ses lettres, recueillis dans un de ces Mémoires qu’affectionne l’amitié anglaise, et auxquels nous devons tant d’inestimables renseignements sur les poètes du dernier siècle. Cet exemple nous permettra de serrer de plus