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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/236

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des Alliés. La presse anglaise a montré à l’occasion de la note du président Wilson combien la politique britannique tiendrait toujours compte des dispositions de Washington, et quand il s’agit de l’Adriatique, Londres hésitera à soutenir une thèse qui soit en contradiction avec celle de M. Wilson. On est amené ainsi à saisir ce qu’il y a de paradoxal et de troublant dans les relations actuelles de l’Europe et des États-Unis. Tant que l’Amérique sera tantôt absente et tantôt présente dans les négociations, il sera pour les Alliés à la fois nécessaire et impossible d’agir. Il est difficile aux Alliés de faire une politique de paix qui suppose la présence des États-Unis, si les États-Unis restent à l’écart. Mais il ne leur est pas moins difficile de faire une politique qui suppose même provisoirement l’abstention des États-Unis, si les États-Unis, après s’être tenus en dehors des négociations, reparaissent soudain. Ce qui vient de se passer pour Fiume peut se renouveler demain pour Constantinople et ensuite pour l’Asie Mineure. Où sera la continuité des desseins, où sera la force des Alliés si de pareilles incertitudes se prolongent ? Le débat politique qui continue à Washington a des répercussions de plus en plus manifestes sur les affaires d’Europe. Aussi quel que soit l’intérêt des autres questions étudiées à Londres, la rentrée du Président Wilson a remis en lumière le problème des États-Unis et a montré une fois de plus qu’il est essentiel. Dans l’état des affaires du monde, après quatre ans de guerre qui ont détruit tant de richesse et diminué la force de production universelle, après un affaiblissement de tout ce qui était le résultat lentement obtenu de la civilisation, toutes les nations sont solidaires. Les problèmes économiques et politiques de tous les pays sont liés si étroitement qu’aucun ne peut rien sans le concours des autres. Quelles que soient les préférences particulières de chacun et son effort national, une loi les entraîne tous. L’Europe ne peut plus se décider sans le consentement des États-Unis, et les États-Unis, si hésitants qu’ils soient, ne peuvent plus se dispenser d’être mêlés aux questions européennes : les intérêts matériels et moraux sont enchevêtrés, et l’organisation de la paix apparaît de plus en plus comme devant être l’œuvre de tous.


Les négociations de Londres continuent et elles portent sur tant de sujets importants qu’on s’explique aisément leur prolongation. Sur un seul point elles paraissent avoir abouti à un résultat net. Les Alliés sont décidés à faire rapidement la paix avec la Turquie et ils laissent le Sultan à Constantinople. C’est la thèse que le gouverne-