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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/475

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République, pour une action commune, la France serait incapable de tirer du traité de Versailles les moindres avantages et d’entreprendre la restauration économique et financière dont l’urgence se fait sentir tous les jours plus impérieusement.

Chaque fois que, depuis le 18 février, M. Paul Deschanel a eu l’occasion de parler au nom du pays, il a fortement insisté sur ces vérités essentielles. Les belles fêtes de Bordeaux, réplique triomphale à la douloureuse séance du 1er mars 1871, ont permis à M. le Président de la République de donner à sa pensée favorite une forme particulièrement heureuse ; et cet appel à l’union, à la discipline patriotique et au travail coordonné, était d’autant plus émouvant qu’il se faisait entendre au milieu d’une grève où des éléments révolutionnaires avaient, une fois de plus, essayé de conduire à leur fantaisie les groupements corporatifs. Nul n’a plus d’autorité que M. Deschanel pour répéter au pays, aussi longtemps et aussi souvent qu’il le faudra, cet avertissement solennel. Il a été lui-même, par bonheur, l’élu de la presque unanimité de l’assemblée nationale. Il n’a été choisi, ni comme représentant d’un groupe, ni comme défenseur d’une doctrine particulière. Il n’est l’homme de personne et il n’est l’ennemi de personne. Il est vraiment la voix de la France. Ce serait, pour la nation, une force incomparable que de savoir maintenir au-dessus de toute atteinte le crédit des fonctions présidentielles. Du moment où la constitution a fait du Président de la République un surveillant et un conseiller, lui a enlevé tout droit d’action personnelle et toute responsabilité, et a remis aux ministres responsables l’entière réalité du pouvoir, il devrait, pendant le cours de sa magistrature, échapper aux attaqués des partis. Dans les deux Amériques, le Président est un homme politique; son élection est le résultat d’un grand conflit d’opinions contraires ; elle marque la victoire d’une immense organisation administrative sur une organisation rivale ; elle laisse fatalement derrière elle des mécontentements et des rancunes. Le Président, quelles que soient sa valeur, son autorité morale et sa situation dans le pays, conserve ses adversaires, qui ne désarment pas, et s’il était lui-même tenté d’oublier qu’il est, avant tout, le représentant d’un parti, ses amis seraient là pour le lui rappeler. Il est chef de gouvernement en même temps que chef d’État ; il a tous les droits d’un chef de gouvernement»; il en a les prérogatives et les responsabilités, les avantages et les inconvénients. Mais, dans les monarchies constitutionnelles d’Europe, toutes inspirées des traditions britanniques, et dans notre constitution française, qui ne se distingue guère de ces