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sont-ils en mesure de soutenir cet effort ? Le peuple admettra-t-il le vote des impôts nécessaires pour faire face à ces dépenses ? Voilà la raison de la Conférence de Washington.

En tout cela quelle est la position de l’Angleterre ? Jusqu’à la fin du dernier siècle, les nations européennes furent les seules à posséder une flotte de guerre. La politique anglaise consista donc à étouffer toute velléité d’hégémonie navale chez autrui, et à détruire les flottes des autres pays avant que celles-ci ne devinssent un danger sérieux pour la sécurité insulaire de la Grande-Bretagne. L’Invincible Armada des Espagnols, en 1588, les flottes de Tromp et de Ruyter, puis l’escadre du roi de France à la Hougue, les forces navales de Napoléon à Trafalgar, et, plus récemment, les cuirassés de Guillaume II à Scapa-Flow, furent anéantis avant d’avoir pu jouer un rôle naval. Ce n’est donc pas sans raison que l’amiral Jellicoë rapproche, à cent ans de distance, les victoires de Scapa-Flow et de Trafalgar, comme deux dates mémorables dans l’histoire des Iles britanniques. « La mission qu’il s’efforça de remplir » visait le même objectif que celle de Nelson. Seuls, les moyens par lesquels cette mission fut réalisée ont différé. Trafalgar fut une défaite glorieuse de la France, Scapa-Flow une reddition honteuse de la flotte allemande. Le jour où celle-ci saborda elle-même ses navires, l’Angleterre gagna la plus grande victoire de la guerre. Les escadres allemandes disparues, l’Amirauté aurait pu compter sur quelque répit. Mais voici que deux astres nouveaux se lèvent, à l’Est et à l’Ouest du globe. La menace n’a fait que changer de latitude. Mais l’orage s’est éloigné des côtes britanniques, il s’accumule au loin sur deux continents, ce qui supprime l’imminence du danger. Quant à la question du Pacifique, il n’est pas indifférent qu’elle soit née, afin de transporter aux antipodes le champ clos où doivent s’affronter les rivalités de l’Asie et de l’Amérique.

Quoi qu’il en soit, la Grande-Bretagne ne peut point se désintéresser des projets navals du Japon et des États-Unis. Le temps n’est plus où les navires de l’Europe pouvaient affirmer leur puissance sur tous les points du monde sans rencontrer de résistance. Les prochains conflits, s’il s’en élève, agiteront tout l’univers. Il suffit de suivre l’évolution des luttes qui ont ensanglanté la terre pour s’apercevoir qu’elles s’étendent de plus en plus, et qu’elles mettent aux prises des masses d’hommes toujours plus