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Grand-Duc. Je la revis quelques jours après, et elle me donna quelque espoir : nous entrâmes en pourparlers.

Sur ces entrefaites survint l’assassinat d’Ouritsky ; je fus arrêté le jour même, 30 août, et nos pourparlers rompus. A mon sortir de prison, douze jours après, je revis cette dame ; c’était vers la mi-septembre ; elle me dit que la mort d’Ouritsky rendait la chose beaucoup plus difficile, mais qu’elle continuerait quand même à s’en occuper. En effet, elle se mit en campagne et multiplia les efforts pour aboutir au résultat si ardemment désiré. Hélas ! elle échoua complètement.

Nous étions plus ou moins au courant de ce qui se passait à la prison par des moyens que je n’ai pas le droit de divulguer. Le Grand-Duc nous envoyait des billets et nous reprochait de ne pas lui écrire assez souvent ; mais c’était si dangereux, la moindre imprudence aurait pu entraîner de telles conséquences ! Ma femme lui ayant écrit plusieurs fois, il la remerciait chaleureusement et lui disait dans ses billets : « Vous, la vraie courageuse. »

Le temps passait et on ne voyait luire aucun espoir. Personne pourtant n’envisageait fa possibilité d’une condamnation à mort pour les Grands-Ducs.

On prétend qu’en janvier 1919, au soviet de Moscou, Lounotcharsky était parvenu à obtenir leur grâce, que le soviet de Moscou télégraphia en ce sens au soviet de Pétrograde, mais que Zinovieff, opposé à toute mesure de grâce, avait retenu le télégramme et hâté l’exécution.

La nuit du 26 au 27 janvier, je fus de nouveau arrêté et mené à la Tchéka. Le troisième jour de mon arrestation, le 29 janvier, je lus dans le journal que dans la nuit du 28 au 29 les grands-ducs Nicolas Mikhaïlovitch, Georges Mikhaïlovitch, Dimitri Constantinovitch et Paul Alexandrovitch avaient été fusillés à la forterresse de Pierre et Paul !

Tout était fini !


* * *

Dans la nuit du 28 au 29 janvier on amena à la prison de la Tchéka un jeune officier, transféré de la Spalernaia. En lisant son nom sur la liste des détenus, je ne doutai pas que ce ne fût ce compagnon de cellule dont le Grand-Duc m’avait plusieurs fois parlé et toujours avec éloge, dans ses billets. J’allai