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découverts depuis peu ont fait voir qu’il n’en était rien[1]. L’auteur de Pantagruel naquit dans les dernières années du XVe siècle d’une bonne famille bourgeoise, riche, fort considérée dans son pays. Il avait au moins deux frères, Jamet et Antoine, et une sœur, Françoise, mariée à René Palu. Son père Antoine, — et non Thomas, — licencié ès lois, était avocat au siège de Chinon : pendant un certain temps, même, il remplaça, à titre de doyen des avocats, les lieutenants général et particulier, expédiant la juridiction à leur place, et c’était là une fonction très honorable. Antoine Rabelais et Catherine Dusoul, sa femme, avaient au reste une belle fortune : très grande maison à Chinon (au no 15 actuel de la rue de la Lamproie, et non au no 2, comme on l’a cru longtemps) ; fief de La Devinière, dépendant de l’abbaye de Seuilly, et, pour partie, du seigneur du Coudray-Montpensier, plus des terres, des « chenevraulx, » des vignes aux environs, compris dans la métairie ; une ferme encore près de Seuilly, nommée La Pomardière ; enfin le châtel et maison noble de Chavigny-en-Vallée, sur la paroisse de Varennes, en Saumurois, qu’Antoine avait hérité de sa mère en 1506, avec les cens et rentes, près, bois, pêcheries, pâturages qui en dépendaient. C’étaient là d’assez grands biens. Et il est probable que les documents n’énumèrent pas tous les domaines de la famille Rabelais.

Or, — et on ne l’avait jamais remarqué avant ces dernières années, — ces biens d’Antoine Rabelais, son père, maître François en a fait ceux de Grandgousier, père de Gargantua. Quelles sont, en effet, les quatre places fortes de celui-ci ? La Devinière, Chavigny, Gravot et les Quinquenais[2]. Et quand Grandgousier envoie demander la paix à Picrochole, que lui fait-il proposer ? De lui donner la métairie de La Pomardière « à perpétuité franche pour luy et les siens »[3]. La Devinière, Chavigny, La Pomardière sont, nous venons de le voir, des propriétés de la famille de maître François. Et, si les rares actes concernant les Rabelais qui nous sont parvenus ne mentionnent pas Gravot et les Quinquenais, nous avons pour-

  1. Voir sur les origines de Rabelais, la topographie du pays et les identifications que nous résumons dans ce chapitre : Abel Lefranc, les Navigations de Pantagruel (Paris, 1905, in-8), appendice K ; la Revue des Études rabelaisiennes ; enfin l’Édition critique : Introduction, p. liv-lix et passim.
  2. I, ch. xlvii.
  3. I, ch. xxxii.