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du Laurier, livre pathétique et frémissant. Ceux qui, sous l’occupation ennemie, l’ont entendu en dire certaines pages, en ont gardé un souvenir inoubliable. Et l’on vit, au lendemain de l’armistice, une chose invraisemblable jusque-là en Belgique : une manifestation collective autour d’un poète vivant. Ce banquet Giraud est une date. Elle a précédé celle de la fondation de l’Académie, elle l’a annoncée et expliquée. Désormais, quel que soit son éloignement de la foule, le président de notre Académie littéraire a montré ce que peut être dans un pays réaliste et traditionnel le rôle de l’écrivain.

Ni lui, ni aucun de ses confrères, n’entendent réclamer pour l’artiste un traitement de faveur. Il en est bien peu pour qui leur situation nouvelle ait été un but et puisse être un point de départ. Un scepticisme assez curieux règne même parmi eux à l’égard de leur jeune Compagnie. Le titre d’académicien ne changera rien à leur existence modeste, discrète, vouée à une profession menée depuis avec la vocation désintéressée des lettres. La littérature n’est pas une carrière en Belgique, elle ne nourrit pas son homme.

Journaliste, fonctionnaire, médecin, professeur, avocat, le poète, le conteur, le dramaturge viendra siéger au « Palais des Académies » une fois par mois, avec la ponctualité qu’il apporte depuis vingt ou trente ans aux rites de sa vie professionnelle. L’institution nouvelle recevra-t-elle de lui l’impulsion nécessaire pour vivre à son tour, pour grandir et pour créer? C’est le secret de l’avenir. Le recrutement de nos lettres, leur orientation et, un peu aussi, la richesse de la langue française en dépendent.

Dans le respect de cette langue une entente certaine existe à l’Académie belge, préétablie par une longue expérience et un grand amour. Véhicule de la pensée, interprète de l’émotion artistique, expression de l’idéal, elle reçoit en Belgique par la fondation académique un hommage auquel elle avait droit. Ceux, Flamands et Wallons, et quelle que soit leur tendance esthétique, qui l’ont servie avec persévérance et probité ne sont pas indignes de faire les honneurs de son temple à ceux qui, en France et à l’étranger, l’auront illustrée par des œuvres plus éclatantes.


HENRI DAVIGNON.