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« c’est un concert d’épouvantements fait pour accompagner une vision d’Hoffmann. » À l’heure où les grasses prairies normandes font tout bas leur prière du soir, la vache repue a des beuglements pleins et lents, profonds comme sa joie de bote qui rumine, tranquilles comme sa conscience; c’est l’action de grâces d’une digestion sereine. » Je passe l’éloge classique du rossignol, mais je retiens celui des grenouilles qui « suivent le soleil couchant de leur note unique, rauque de près, si triste et si douce à entendre de loin dans la paix du crépuscule. » Enfin le Beethoven de la Symphonie Pastorale et le Pierre Loti des premières lignes de Ramuntcho n’ont pas mieux compris, l’un le coucou et l’autre le courlis, qui « répètent sur un rythme régulier, entrecoupé de silences égaux, leurs deux notes plaintives et tendres à faire pleurer un poète, s’il en était encore, à induire en rêverie, malgré qu’il en ait, le moins champêtre des citadins. »

« En rêverie... » Et le professeur de rhétorique de rappeler alors aux élèves tout ce qu’il entre de rêverie, astronomique et musicale, dans le Songe de Scipion : « L’harmonie résulte de la marche même et du mouvement des sphères. Car de si grands corps ne peuvent se mouvoir en silence... C’est en imitant cette harmonie sur les cordes ou par les modulations de la voix, que des sages se sont ouvert le chemin du ciel... Cette prodigieuse harmonie, produite par le mouvement vertigineux de l’univers, est telle, que vos oreilles ne sont pas plus capables de l’entendre que vos yeux de soutenir l’éclat du soleil. »

En vérité, le jeune lettré se faisait une haute idée de la musique. N’allait-il pas jusqu’à l’élever au-dessus de la parole, ou des paroles, et lesquelles! « Aimez-vous la gaîté brillante, l’ironie ailée? Laissez là la prose de Beaumarchais, voici la Rosine de Rossini soulignant ses : Mais! d’une note brève et malicieuse ; voici le Figaro de Mozart donnant ses derniers conseils à Chérubin qui fait la moue. Et vous seriez jaloux, ô Racine, si vous entendiez Léonore chanter : O mon Fernand — Chérubin : Mon cœur soupire — et Roméo : Non, ce n’est pas le jour, ce n’est pas l’alouette — Et vous envieriez, ô Corneille, le chœur des Suisses jurant de délivrer la pairie, ou l’élan de cette mélopée guerrière qui précipitait contre l’étranger les soldats de 1792. »

Il n’y entendait rien, disait-on, et tout le premier, il le croyait peut-être. Mais qui de nous, mes frères en critique musicale, a parlé de la musique avec autant de finesse et de profondeur : « Les tristesses