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du pays, vous laissant exclusivement guider par cet amour qui vous servira d’étoile conductrice. Aussi, de tout mon cœur, je souhaite à la Douma d’Empire des travaux féconds et un succès complet. »

Pendant cette allocution, Nicolas II est pénible à regarder. La voix sort à peine de la gorge étreinte. Après chaque mot, un arrêt, un trébuchement. La main gauche est agitée d’un tremblement fébrile ; la main droite s’est accrochée nerveusement au ceinturon. Le malheureux est à bout de souffle, quand il balbutie sa dernière phrase.

Un « hourrah » de stentor lui répond ; c’est la basse éclatante et profonde du président de la Douma, Rodzianko, qui répond ensuite à l’allocution impériale en ces termes :

« Majesté,

« Profondément émus, nous avons écouté vos paroles significatives. Nous sommes remplis de joie de voir notre Tsar parmi nous. En cette époque pénible, vous avez raffermi aujourd’hui cette union avec votre peuple qui nous montre le chemin de la victoire… Hourrah pour notre Tsar !… Hourrah ! »

Tout le public vocifère avec enthousiasme. Seuls, les membres de l’extrême-droite se taisent. Pendant quelques minutes, le palais de Potemkine retentit d’acclamations.

L’Empereur, subitement rasséréné, a retrouvé son charme ; il serre des mains ; il prodigue les sourires. Puis, il se retire, en traversant la salle des séances.


Mercredi, 23 février.

Sazonow, que je vais voir comme d’habitude vers midi, se déclare enchanté de la cérémonie d’hier, dont le retentissement est profond en Russie :

— Voilà, me dit-il, de la saine politique ! Voilà du bon libéralisme ! Plus l’Empereur sera en contact avec son peuple, plus il sera fort pour résister aux courants extrêmes. Je lui demande :

— Est-ce vous qui avez eu l’idée d’amener l’Empereur au Palais de Tauride ?

— Non, ce n’est pas moi, malheureusement. C’est, — vous ne