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tempéraments divers, mais hardis tous les trois, se sont appliqués à renouveler cet art. Le plus ancien, l’initiateur du mouvement, M. Antoine, tout imprégné des théories naturalistes, s’efforçait de restituer avec exactitude le « milieu», de créer l’« atmosphère, » où ses personnages allaient vivre, — et de donner à ses acteurs des intonations, des mouvements, des gestes vrais, cherches avec patience, méticuleusement réglés. L’autre, divinateur de l’âme collective, et singulier animateur des foules, M. Gémice, débordant d’imagination, nous offre des réalisations ardentes, pittoresques, sortes d’images populaires violentes et violemment enluminées. Enfin, le dernier venu, M. Copeau, s’efforce plutôt de retrouver, de mettre en lumière la vie intérieure des personnages; dépouillée et nue, il nous présente l’œuvre dramatique dans une sorte de mise en scène janséniste, froide parfois, mais à d’autres moments étrangement vivante et suggestive.

S’il fallait à tout prix marchander son plaisir et adresser une critique à ces hommes ingénieux, tant français qu’étrangers, peut-être pourrait-on dire que, prisonniers d’une formule, ils font de gré ou de force entrer la comédie ou le drame dans leur conception, et qu’ils plient l’œuvre à leur volonté. Ce n’est pas un éloge à adresser à un metteur en scène de dire qu’on a reconnu sa manière, si habile soit-elle, dans la présentation de pièces de Shakspeare, Molière, Musset, Becque, car, précisément, des œuvres si diverses exigent, semble-t- il, des présentations différentes.

Mais enfin, heureux ou moins réussis, il était impossible de négliger les efforts faits de toutes parts pour rajeunir les œuvres classiques. En ce qui touche les comédies de Molière, on ne pouvait pas ne pas tenir compte des réalisations obtenues sur d’autres scènes et des suggestions faites sur la façon de « monter » ces comédies. A vrai dire, on n’était embarrassé que par la multiplicité et la contradiction des opinions émises.

Il y a ceux qui demandent qu’on supprime toute décoration, l’œuvre se suffisant à elle-même. Pourquoi ces bois découpés, ces « fermes » peintes? Le Misanthrope en sera-t-il moins beau, moins pathétique, parce qu’on le jouera devant des toiles de couleur neutre, entre deux tables et cinq fauteuils? Du moins le spectateur ne sera-t-il pas distrait par un décor inutile et son attention restera tout entière attachée à la pièce.