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posséder des navires porte-avions dont le pont supérieur absolument dégagé servirait de terrain de décollage et d’atterrissage, et qui seraient doués d’une vitesse au moins égale à celle des grands croiseurs de bataille, se révélait comme impérieuse.

Les Comités naval et militaire des Chambres s’émurent et recommandèrent immédiatement la construction de ces navires spéciaux appelés « carriers » et soulignèrent que l’Angleterre en possédait déjà six et que le Japon en avait un en chantier. Désormais toute escadre devra posséder un ou deux « carriers » pour s’éclairer et pour repousser les attaques des avions bombardiers. La bataille sur mer commencera donc par une rencontre d’aviation dans les mêmes conditions que sur terre. Il y aura des avions de chasse qui seront chargés de « descendre » les avions de réglage ennemis et des unités de bombardement qui s’apprêteront à lancer leurs énormes torpilles aériennes.

Entre les escadres, évolueront à basse altitude et avec une vitesse qui rendra le tir anti-aérien presque impossible, des avions torpilleurs portant des torpilles marines analogues à celles que lancent les sous-marins.

Les commandants d’escadre n’auront plus, pendant la phase initiale du combat, les yeux fixés sur l’horizon, mais vers le ciel[1]. Les canons resteront silencieux, la lutte sera une lutte aérienne, sous laquelle les gros cuirassés attendront impuissants, que le sort en décide.

N’est-ce pas là un changement radical des conceptions navales? Si les principes très généraux resteront les mêmes, il faut avouer que la rencontre des forces maritimes dans un conflit éventuel n’aura qu’une ressemblance lointaine avec la bataille de Trafalgar et que pour peu de principes à appliquer, il y aura un nombre respectable de procédés à connaître et même à inventer.

Le chef ne s’aidera plus, dans sa mémoire ou dans son intelligence, du souvenir des batailles passées, ou si peu. Il lui faudra créer, au fur et à mesure des circonstances, la stratégie et la tactique, dont les travaux et expériences du temps de paix n’auront donné que des aperçus bien incomplets. Il devra être un innovateur.

Une question se pose encore et c’est la plus importante. Le

  1. S’ils le peuvent, car ils seront la plupart du temps enveloppés d’une fumée épaisse produite par les bombes aériennes fumigènes.