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des armements que si les difficultés qui surgissent dans le Pacifique ne risquent pas de dégénérer en une grande guerre. Ainsi, au troisième anniversaire du jour où l’armistice sépara, en Europe, les armées combattantes, l’intérêt capital du jeu de ce monde va passer des pays baignés par l’Atlantique et la Méditerranée aux lointaines contrées que bordent les mers chinoises. Trois ans ! Court espace dont la brièveté même souligne l’importance des intérêts en litige vers nos antipodes.

De 1894 à 1905, la guerre sino-japonaise, qui révèle soudainement la puissance militaire du Japon, — la conquête des Philippines, qui installe la puissance des États-Unis dans les mers chinoises (1898), — l’établissement des Allemands à Kiao-Tcheou, puis la révolte des Boxers et le siège des légations de Pékin, — enfin, la guerre russo-japonaise, attirent vers la Chine et les régions voisines l’attention et les forces des grands États, pour qui le commerce et l’expansion sont la loi de la vie économique. Après le traité de Portsmouth (5 septembre 1905), l’Europe, meurtrie, désabusée des lointaines entreprises, rentre chez elle pour se trouver en face des complications balkaniques et des menaces du germanisme ; survient alors la série des incidents marocains, alternant avec les crises de la question d’Orient, jusqu’au cataclysme final que l’Allemagne déchaîne en 1914. L’invitation du Président Harding nous met en présence d’une phase nouvelle de la lutte pour le Pacifique.

L’Amérique du Nord est une île. Les États-Unis ont deux façades sur l’Océan, l’une Atlantique, l’autre Pacifique ; par l’une ils regardent vers l’Europe, par l’autre vers l’Asie et les peuples jaunes. De là une double politique que l’ouverture du canal de Panama a permis aux Américains de conduire de front. L’œuvre grandiose conçue par le génie audacieux de Ferdinand de Lesseps, sauvegardée, sinon pour la France, du moins pour l’Amérique et l’humanité, par la ténacité clairvoyante de M. Philippe Bunau-Varilla, a donné à la politique américaine plus de jeu et d’élasticité ; ayant la faculté de concentrer ses escadres dans l’un ou l’autre Océan, elle peut rapidement faire front tantôt vers l’Europe, tantôt vers la Chine. A peine les États-Unis viennent-ils d’achever sur notre sol français une grande, noble et pénible guerre, nous les voyons avec surprise se retourner vers le Pacifique, et, quand nous les souhaiterions préoccupes du Rhin, de la Pologne ou de