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NÉCROLOGIE : Mme DE FRIEDBERG

qu’elle faisait et à tout ce qui l’entourait un cachet de simplicité, de bon goût, de distinction.

» Mme de Friedberg avait encore reçu du ciel un don qui est d’un haut prix dans l’éducation, et en particulier dans l’éducation des jeunes filles celui d’un optimisme inaltérable, d’une grande confiance en la vie. L’histoire nous fait connaître des maîtres, de grands maîtres de la jeunesse qui ne furent rien moins qu’optimistes est-il besoin de nommer Port-Royal ? Malgré l’autorité de cet exemple, on peut croire qu’il est bon de croire à la vie, de la goûter, de l’aimer pour préparer la jeunesse à vivre, et que l’ascendant sur les jeunes âmes, l’influence pénétrante appartiennent de préférence à ceux qui espèrent, qui sourient, qui trouvent du charme au monde tel qu’il s’offre à nos regards, du prix à la destinée présente, avec ses biens et ses maux. N’est-ce pas le premier devoir et le plus doux privilège de l’instituteur et de la mère de famille de munir le jeune homme ou la jeune fille de force et de courage autant que de bonne instruction pour la rude traversée d’ici bas ? Or il n’y a point de force là où manque la joie, ni de joie là où manquent la confiance et l’espérance. Qui ne les peut donner, au moins à quelque degré, n’est point fait pour élever des hommes ; moins fait encore, si j’ose le dire, pour élever des femmes.

» Mme de Friedberg avait naturellement la joie et la confiance, qui, de son cœur, rayonnaient au dehors. C’était son charme propre et sa supériorité de prendre intérêt aux choses — aux plus hautes, sans doute, de préférence, mais aussi aux moyennes et aux petites, à celles qui font l’étoffe de la vie. Hélas ! comment ne pas rappeler qu’elle est restée confiante, qu’elle a espéré, qu’elle a souri à la vie jusque dans les affreuses douleurs des derniers jours, jusque dans le proche voisinage de la mort ! Toujours sereine et accueillante, elle ne voulait pas, disait-elle, bouder à la maladie, ni offrir un visage maussade à ses amis. Ah ! madame, quel exemple de vaillante humeur et de bonne grâce au milieu des suprêmes misères vous avez offert à vos filles adoptives !

» Vous étiez, en effet, ses filles, mesdames, vous toutes, les hôtes passées ou présentes de Fontenay. C’est ici que mon témoignage aurait peut-être le plus de poids, ajouté au vôtre ; car j’ai été mille fois le confident de la sollicitude affectueuse, agissante, dévouée dont elle vous suivait de loin comme de près. Vous faisiez souvent appel à son amitié, et votre confiance ne s’égarait point. Il semblait même qu’en vous éloignant pour vous répandre dans les écoles normales des départements, vous lui deveniez plus présentes vos intérêts, votre enseignement, votre santé, vos embarras, elle prenait tout à cœur, et ses lettres, pleines de sens et d’expérience, vous allaient porter le conseil et le courage. Cette fidélité à ses élèves et à ses amis, d’autres que vous, mesdames de Fontenay, en ont fait l’épreuve et en témoigneraient. Combien de fois j’ai admiré le souvenir maternel