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REVUE PÉDAGOGIQUE

rappelant les batailles livrées et gagnées, évoqua, après un quart de siècle, les temps héroïques et féconds où le grand ministre de l’éducation nationale communiquait sa foi aux pouvoirs publics hésitants, cherchait des hommes pour réaliser des idées, « rendait les bureaux eux-mêmes idéalistes ! » Ce fut dans un de ces bureaux, auquel il était provisoirement attaché, que M. Jacoulet fut choisi en 1881 pour fonder et diriger l’École normale de Saint-Cloud. Peu auparavant, une campagne de presse avait révélé l’ardent apôtre que devait être Félix Pécaut et l’avait désigné pour la création de l’École de Fontenay. De ces deux hommes, les deux maisons allaient recevoir quelque chose de plus que leur organisation, leur âme et leur conscience.

Auguste-Édouard Jacoulet avait alors cinquante et un ans. Né le 25 décembre 1830, à Vauvillers (Haute-Saône), d’une famille d’assez modeste condition, il se forma lui-même, ce qui est peut-être une bonne préparation pour qui doit former les autres. Il fut à vingt-trois ans maître-répétiteur au lycée de Nancy, à vingt-huit ans chargé de cours au lycée d’Agen, peu après à celui de Chaumont. En un temps où les maîtres étaient rares et les livres chers, il acheta sur ses économies quelques livres, il fut à lui-même son maître ; il conquit, au prix d’efforts qu’on devine, la licence et l’agrégation. En 1863, il devenait professeur d’histoire à Grenoble. C’est là qu’il trouva la compagne dévouée de sa vie ; là aussi qu’il sentit s’éveiller sa vocation administrative. Il fut nommé en 1872 inspecteur d’Académie à Lons-le-Saunier. Tout de suite il fut l’homme de sa fonction, qu’il aimait d’ailleurs et dont il a parlé avec un accent très sincère. « Commander à des hommes qui forment des âmes et préparent ainsi l’avenir, les voir chaque jour à l’œuvre, être témoin de leur inlassable dévouement, les diriger, les conseiller, les défendre au besoin, c’est là une noble mission qui porte avec elle sa récompense. Mais cette récompense, il faut l’acheter par une vie de travail et de soucis, qui est comme la rançon des joies sévères goûtées par ailleurs… » Les temps étaient difficiles alors, le vent soufflait parfois en tempête, au mois de mai particulièrement. La mêlée fut souvent rude pour l’inspecteur, les lendemains de victoire presque aussi dangereux que la bataille même. À Grenoble, en 1878, de courageux anonymes le dénoncèrent comme un