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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/12

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I


Sans être un philosophe de profession, ni avoir antérieurement rien publié qui nous le fasse ainsi connaître, M. Schasler est un esprit philosophique des plus distingués. Une longue et sérieuse étude de la philosophie l’a mis en état d’en aborder les plus hauts et les plus délicats problèmes, ceux en particulier de la science qu’il a prise pour objet spécial de ses recherches. Sans parler d’Aristote et de Hegel, qu’il proclame les maîtres communs de la génération actuelle (p. 1), la dédicace de son livre à M. Rosenkranz nous apprend que l’enseignement de ce dernier a exercé sur son esprit une profonde et durable influence. On sait que M. Rosenkranz est un des principaux disciples de Hegel ; il est connu par des ouvrages très-goûtés et estimés, par son Esthétique du laid en particulier, qui lui assigne un rang distingué parmi les esthéticiens modernes. À ces études théoriques M. Schasler joint des connaissances pratiques fort étendues et très-variées. Un commerce assidu de plus de vingt ans avec les artistes et une observation attentive des œuvres de l’art l’ont initié aux secrets de la production artistique. Il a rédigé à Leipzig la Gazette artistique universelle allemande, et depuis, à Berlin, un autre recueil consacré à l’histoire et à la critique des arts, les Dioscures. Sous ce nom : Les trésors de l’art à Berlin, il a composé un manuel pratique à l’usage des visiteurs des musées royaux, des collections publiques et privées, etc., des établissements et des ateliers d’artistes de la capitale. C’est ainsi que par. une participation non interrompue à la vie de l’art, il s’est préparé à l’œuvre considérable qu’il a entreprise. Ce n’est donc pas à un pur théoricien que nous avons affaire, c’est aussi à un critique exercé, à un érudit et à un historien, à un homme également habitué à manier la méthode philosophique la plus subtile et à raisonner en connaisseur sur les procédés de la création artistique. La technique de l’art elle-même ne lui est pas étrangère. C’est un grand avantage, on ne saurait le contester. Peut-être parle-t-il trop dédaigneusement des penseurs de premier ordre qui ont manqué de ces connaissances pratiques ou ne les ont pas eues à un degré suffisant, comme Kant, Schelling et d’autres. Il oublie trop que c’est de philosophie qu’il s’agit. Pour faire avancer une science philosophique quelconque, lui imprimer une direction nouvelle ; il y a plus, pour inventer dans son domaine ce que d’autres n’auraient pas deviné, la première