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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/53

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E. de Hartmann. — schopenhauer et frauenstaedt

une addition erronée au système : non-seulement son assertion que la seule substance existante est la matière pure (c’est-à-dire privée de force) doit être remplacée par cette autre : la seule substance existante est la force, mais de plus à sa seconde assertion que l’âme, l’intellect et l’esprit sont de simples produits de la matière, il faut substituer celle-ci : la matière n’est qu’un produit de l’esprit universel ou de l’âme universelle, c’est-à-dire de la substance immatérielle absolue (volonté universelle avec l’idée du monde comme contenu). S’il existe une sagesse téléologique inconsciente de la volonté de la nature, infiniment supérieure à toute la sagesse des intellects humains, il est certainement plus logique de faire dériver la spiritualité et la raison de l’intellect humain de cette intelligence absolue que de le considérer comme une émanation d’une matière privée de raison et de représentation, qui vient s’unir d’une manière inexplicable à la, substance aveugle de la volonté comme une propriété accidentelle, tout à fait étrangère et hétérogène.

Frauenstaedt reconnaît lui-même la nécessité d’apporter cette correction à la doctrine de Schopenhauer, car dans la volonté de connaître il voit la forme la plus élevée et la plus solide du vouloir, et l’établissement de l’intellect humain n’est pas à ses yeux un ouvrage extérieur accidentel, mais la satisfaction de la volonté dans son essence la plus intime ; il déclare même que dans la volonté de connaître, l’intellect est immortel. Mais alors, il n’admet déjà plus cette partie du matérialisme de Schopenhauer attribuant à l’organisation matérielle la production de l’intellect ; et la vérité de cette pensée doit se réduire pour lui (comme pour moi dans la Philosophie de l’inconscient) en la naissance à la forme de la conscience de la représentation jusque-là inconsciente et de la raison immanente qui y est contenue. Aussi longtemps qu’il ne franchira pas nettement ce pas, il ne se dégagera pas de la contradiction indiquée plus haut entre le matérialisme et la métaphysique de Schopenhauer (monisme de la volonté et idéalisme objectif). Et s’il persiste dans cette contradiction de la doctrine de Schopenhauer interprétée à un point de vue réaliste, cela ne valait guère la peine de combattre la contradiction entre le matérialisme et l’idéalisme subjectif, dévoilée par les interprètes idéalistes de Schopenhauer, car elle disparaît nécessairement, si on élimine l’idéalisme subjectif.