Aller au contenu

Page:Rocheblave - Pages choisies des grands ecrivains - George Sand.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mère, qui s’y connaissait, admirait ses lettres. Elle ne connaissait seulement pas les notes, mais elle avait une voix ravissante, d’une légèreté et d’une fraîcheur incomparables, et ma grand’mère se plaisait à l’entendre chanter, toute grande musicienne qu’elle était. Elle remarquait le goût et la méthode naturelle de son chant. Puis, à Nohant, ne sachant comment remplir ses longues journées, ma mère se mit à dessiner, elle qui n’avait jamais touché un crayon. Elle le fit d’instinct, comme tout ce qu’elle faisait, et après avoir copié très adroitement plusieurs gravures, elle se mit à faire des portraits à la plume et à la gouache, qui étaient ressemblants, et dont la naïveté avait toujours du charme et de la grâce. Elle brodait un peu gros, mais avec une rapidité si incroyable qu’elle fit à ma grand’mère, en peu de jours, une robe de percale brodée tout entière du haut en bas, comme on en portait alors. Elle faisait toutes nos robes et tous nos chapeaux, ce qui n’était pas merveille, puisqu’elle avait été longtemps modiste ; mais c’était inventé et exécuté avec une promptitude, un goût et une fraîcheur incomparables. Ce qu’elle avait entrepris le matin, il fallait que ce fût prêt pour le lendemain, eut-elle dû y passer la nuit, et eile portait dans les moindres choses une ardeur et une puissance d’attention qui paraissaient merveilleuses à ma grand’mère, un peu nonchalante d’esprit et maladroite de ses mains, comme l’étaient alors les grandes dames. Ma rnère savonnait, elle repassait, elle raccommodait toutes nos nippes elle-même avec plus de prestesse et d’habileté que la meilleure