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XCVIII. — THÉODOSE LE JEUNE ET LES MOINES.

3. Ce furent encore les moines — de manière moins théâtrale, mais avec le même succès — qui brisèrent la dernière résistance des Orientaux et les amenèrent à condamner Nestorius qu’ils avaient jusque-là proclamé orthodoxe.

Épiphane, syncelle de saint Cyrille, écrit en effet à l’archevêque de Constantinople de pousser les archimandrites Dalmace et Eutychès (le futur hérésiarque) à agir sur l’esprit de l’empereur. C’est encore Eutychès qui doit diriger le tribun Aristolaüs, chargé d’amener les Orientaux à se soumettre ou à quitter leurs sièges :

Et dominum meum sanctissimum Dalmatium abbatem roga, ut et Imperatori mandet, terribili cum conjuratione constringens, et ut cubicularios omnes ita constringat, ne illius (Nestorii) memoria ulterius fiat ; et sanctum Eutychen, ut concertet pro nobis et Domino meo (Cyrillo)... Magnificentissimus Aristolaüs, qui pro tua Sanctitate laborat, contristatur omnino, quod ei talia scripseritis. Roget itaque Sanctitas tua Dominam jugalem ejus, ut scribat ei, rogans illum, ut perfecte laboret. Et ut reverendissimus Eutychès scribat ei. (Cf. Migne, P. G., t. LXXXIV, col. 828-829.)

4. Les Orientaux avaient demandé en vain de ne pas soumettre les questions dogmatiques aux moines et à la populace, mais de les discuter dans une réunion des seuls métropolitains aidés chacun de deux évêques de leur province (Lupus, Variorum Patrum epistolæ, Louvain, 1682, chap. viii, p. 31) ; les partisans de Cyrille, pour fuir toute discussion, après avoir tranché la question à eux seuls, en ont fait ensuite la matière d’une sorte de pronunciamiento populaire. Par un juste retour, les moines, associés à Éphèse à l’œuvre dogmatique d’une partie des évêques, ont voulu encore s’y associer à Chalcédoine et ont fondé, en dépit de tous les évêques (hors Dioscore), le schisme jacobite qui dure encore. Pour donner une idée des relations familières des moines avec l’empereur, et commenter ainsi le chap. xxxv des Plérophories, nous allons ajouter deux anecdotes inédites.

5. La première ne figure que dans le manuscrit grec de Paris, n° 881, du xe siècle, fol. 167[1] :

Théodose, « l’empereur très fidèle, qui était calligraphe et qui aimait beaucoup les moines », rend visite à un moine près de Chalcédoine. Il s’assied à terre, se fait connaître et loue les moines de ce qu’ils ont renoncé à tous les biens terrestres ; il prend part ensuite à une frugale agape et avoue que depuis trente-huit ans qu’il est empereur[2] il n’a jamais rien mangé d’aussi bon. Depuis lors Théodose rendait fréquemment visite à ce vieillard pour s’édifier.

Cette anecdote a passé dans le chapitre des Apophthegmes « sur l’humilité ». Cette fois le moine est égyptien et l’empereur lui demande des nouvelles des Pères d’Égypte : Théodose mange avec plaisir, comme dans le

  1. Voir un spécimen de ce manuscrit dans l’histoire de saint Pacôme. P. O., t. IV, fasc. 5.
  2. Le récit se date donc de l’an 446, puisque Théodose est monté sur le trône en 408.