Page:Ruskin - La Bible d’Amiens.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« On croit à une république sans le respect religieux, et presque fanatique des lois.

« On croit qu’on peut s’enrichir en restant imprévoyants, insouciants et paresseux, et autrement que par le travail et l’économie.

« On se croit libre en obéissant aveuglément et bêtement à deux ou trois coteries.

« On se croit indépendant parce qu’on a tué ou chassé un lion, et qu’on l’a remplacé par deux douzaines de caniches teints en jaune.

« On croit avoir conquis le « suffrage universel » en votant par des mots d’ordre qui en font le contraire du suffrage universel — mené au vote comme on mène un troupeau au pâturage, avec cette différence que ça ne nourrit pas. — D’ailleurs par « ce suffrage universel » qu’on croit avoir et qu’on n’a pas, il faudrait croire que les soldats doivent commander au général, les chevaux mener le cocher, croire que deux radis valent mieux qu’une truffe, deux cailloux mieux qu’un diamant, deux crottins mieux qu’une rose.

« On se croit en République, parce que quelques demi-quarterons de farceurs occupent les mêmes places, émargent les mêmes appointements, pratiquent les mêmes abus que ceux qu’on a renversés à leur bénéfice.

« On se croit un peuple opprimé héroïque, qui brise ses fers, et n’est qu’un domestique capricieux qui aime à changer de maîtres.

« On croit au génie d’avocats de sixième ordre, qui ne se sont jetés dans la politique et n’aspirent au gouvernement despotique de la France que faute d’avoir pu gagner honnêtement, sans grand travail, dans l’exercice d’une profession correcte, une vie obscure humectée de chopes.