Page:Ruskin - Sésame et les lys.djvu/189

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Qui, consommés l’un et l’autre avec une sage économie,
De brutes auraient fait des hommes, et d’hommes des dieux[1]. »

66. Tout ceci, concernant les relations des amants, je crois que vous l’accepterez volontiers. Mais ce dont nous doutons trop souvent, c’est qu’il soit bon de continuer ces relations pendant toute la durée de la vie. Nous pensons qu’elles conviennent entre amant et maîtresse, non entre mari et femme. Cela revient à dire que nous pensons qu’un respectueux et tendre hommage est dû à celle de l’affection de qui nous ne sommes pas encore sûrs, et dont nous ne discernons que partiellement et vaguement le caractère ; et que le respect et l’hommage doit disparaître quand l’affection, tout entière, sans restriction est devenue nôtre, et quand le caractère a été par nous si bien pénétré et éprouvé que nous ne craignons pas de lui confier le bonheur de notre vie. Ne voyez-vous pas ce que ce raisonnement a de vil autant que d’absurde ? Ne sentez-vous pas que le mariage, partout où il y a vraiment mariage, n’est rien que le sceau et la consécration du passage d’un éphémère à un indestructible dévouement et d’un inconstant à un éternel amour ?

67. Mais comment, demanderez-vous, l’idée d’un rôle de guide pour la femme est-elle conciliable avec l’entière soumission féminine ? Simplement en ce que ce rôle est de guider vers le but et non de le

  1. Coventry Patmore. Vous ne pourrez jamais le lire assez souvent ni assez attentivement ; autant que je sache il est le seul poète vivant qui toujours fortifie et épure ; les autres quelquefois assombrissent et presque toujours déprimant et découragent les imaginations dont ils se sont facilement emparés. (Note de l’auteur.)