Page:Salomon Reinach, Sidonie ou le français sans peine, 1913.djvu/10

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deux t à carotte et un seul à compote ? Pourquoi écrire affection, appétit, attention avec des lettres doubles, alors que, suivant l’Académie elle-même, les lettres doubles ff, pp, tt se prononcent toujours comme des lettres simples ? Pourquoi écrire manger, juger, et non manjer, jujer, puisque le g se prononce dur dans grand, glapir, galant ? Pourquoi écrire photographie alors qu’on prononce fotografie et que les Italiens, plus sages que nous, écrivent fotografia ?

Mais, dit-on, photographie vient de deux mots grecs (phôs, lumière, et graphè, écriture ou peinture) où il n’y a pas d’f, lettre que les Grecs ignoraient, mais un signe qui manque à l’alphabet français (le φ), que les Romains ont transcrit ph. Voilà une belle raison ! Nous écrivons le français, non le grec ou le latin. L’Académie adopte d’ailleurs l’orthographe fantôme (les Anglais, plus arriérés encore que nous, écrivent phantom), alors que le mot grec d’où ce mot dérive commence aussi par un (ph). Concluons donc, ma chère Sidonie, qu’il faudrait écrire fotografie, ortografe, téléfone ; qu’il faudrait n’écrire les lettres doubles que là où on les prononce, comme dans immense, inné, assassin, jeunesse, mais non pas là où on ne les prononce pas, comme dans attraper, tonner (on écrit détoner), donner (on écrit donateur), etc. ; concluons tout