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LES MISSISSIPIENS.



Le duc.

LA MARQUISE.

Non-seulement cela, mais je prétends ne jamais mourir.

LE DUC.

Je crois bien ! qui est-ce qui meurt ?

LA MARQUISE.

Ah ! ce pauvre chevalier pourtant !… Savez-vous que, depuis cinq ans, je n’ai pas passé un seul anniversaire de ce singulier mariage sans penser à lui ?

LE DUC.

Femme sensible ! vous avez pensé à lui à tout le moins une fois l’an ?

LA MARQUISE.

El je n’ai jamais passé un anniversaire du jour où j’ai appris sa mort sans faire dire une messe pour le repos de son âme.

LE DUC.

Bonne tante ! cela fait cinq messes ! Et Julie, combien de pensées a-t-elle eues pour lui ? combien de messes a-t-elle fait dire ?

LA MARQUISE.

Julie ! elle a donné le jour à cinq enfants.

LE DUC.

C’est beaucoup trop ! (Prenant du tabac.) Heureusement il y en a quatre de morts.

LA MARQUISE.

Pauvres enfants ! Tenez, duc, Julie est un modèle d’amour conjugal ; mais il semble que cela l’ait empêchée de bien connaître l’amour maternel. Moi, je pleure encore mon neveu.

LE DUC.

Quand vous y pensez ?

LA MARQUISE, babillant toujours sans faire attention aux sarcasmes du duc.

Et elle, il semble qu’elle ait oublié les siens comme s’ils n’avaient jamais existé. Vraiment elle n’aime au monde que M. Bourset.

LE DUC, ironiquement.

Ah ! c’est bien naturel !

LA MARQUISE.

N’en riez pas ; c’est incroyable comme cet homme-là s’est décrassé depuis son mariage.

LE DUC.

Je crois bien, il a usé beaucoup de savon !