Page:Sand - Adriani.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Cet état de choses insolite et bizarre dura plusieurs jours, pendant lesquels d’Argères, attiré et retenu comme le fer par l’aimant, ne rentra à Mauzères que contraint et forcé par l’heure et le sentiment des convenances. Ce peu de jours, qui pouvait avoir dans l’esprit de la désolée la durée d’un instant comme celle d’un siècle, suffit pour créer à cette dernière une habitude, un besoin d’entendre d’Argères et de l’apercevoir à chaque instant, besoin dont elle ne pouvait se rendre compte, mais qu’elle éprouvait réellement, comme on va le voir.

Vers la fin de la semaine, comme M. Comtois écrivait sur son journal : « Dieu merci, on s’en va ! monsieur m’a dit de redemander ses cravates à la lingerie, » d’Argères, se sentant gagner par un trouble intérieur qu’il était encore temps de combattre par la fuite, résolut de ne plus retourner au Temple et d’aller rejoindre, à Vienne, le baron, dont l’absence menaçait de se prolonger.

En conséquence, il ordonna à l’heureux Comtois de faire sa malle pour le lendemain matin, et il s’enferma pour écrire des lettres et mettre en ordre ses papiers. Il crut devoir adresser à madame de Monteluz quelques mots d’excuse pour la prévenir que des affaires imprévues l’empêchaient d’aller prendre congé d’elle ; mais il ne put jamais trouver l’expression respectueuse sans froideur, et affectueuse sans passion. Il déchira trois fois sa lettre, et il s’impatientait contre le problème qui s’a-