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Page:Sand - Adriani.djvu/143

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Adriani faisait souvent lui-même ses paroles sur sa musique. Il était grand poëte sans prétendre à l’être. Une idée simple mais nette, une déduction logique, un langage harmonieux, qui était lui-même un rhythme tout fait pour le chant, c’en était assez, selon lui, pour motiver et porter ses idées musicales. Il avait raison. La musique peut exprimer des idées aussi bien que des sentiments, quoi qu’on en ait dit ; d’autant plus que, pas plus qu’Adriani, nous ne voyons bien la limite où le sentiment devient une idée et où l’idée cesse absolument d’être un sentiment. La rage des distinctions et des classifications a mordu la critique de ce siècle-ci, et nous sommes devenus si savants, que nous en sommes bêtes. Mais, quand, par le sens éminemment contemplatif qui est en elle, la musique s’élève à des aspirations qui sont véritablement des idées, il faut que l’expression littéraire soit d’autant plus simple, et procède, pour ainsi dire, par la lettre naïve des paraboles. Autrement, les mots écrasent l’esprit de la mélodie, et la forme emporte le fond.

En entendant Adriani raisonner sur ce sujet et s’excuser modestement de faire des vers à son propre usage, le baron, qui les trouva trop simples, rêva de lui créer un petit fonds de poésies où il pût puiser ses inspirations musicales. Ayant vu à Paris le succès d’enthousiasme du jeune artiste, il se dit, avec raison, que sa bouche