Page:Sand - Adriani.djvu/161

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nature qui se révélait dans un talent sympathique ; le troisième fut la reconnaissance. Mais, quand elle vit l’amour face à face, elle en eut peur comme d’un spectre, et, pendant que l’artiste lui écrivait une lettre, qu’elle ne devait pas recevoir, elle lui écrivait celle qui suit :

« Noble cœur, adieu ! Soyez béni. Je pars ! il faut que je vous quitte. J’ai trop peur de prendre les consolations que je recevrais de vous pour celles que je vous donnerais. J’aurais encore bien des choses à vous dire de moi, ami ! Pourquoi ne vous les ai-je pas dites tout à l’heure quand vous étiez là ? pourquoi ne me sont-elles pas venues ? Voilà qu’elles m’apparaissent comme des lumières vives. C’est sans doute l’orgueil qui agissait en moi et m’empêchait de m’accuser tout à fait devant vous ! Oui, voilà le danger de ma situation : c’est de me laisser enivrer par le sentiment que vous m’exprimez, au point d’en être vaine et de vous cacher combien je le mérite peu. Eh bien, il faut que je me punisse du passé et du présent, il faut que je vous dise tout.

» Vous m’aimez sans me connaître. Ce ne peut pas être ma personne qui vous a charmé : vous avez pu aspirer sans doute aux plus belles, aux plus aimables femmes de l’univers, et je ne suis plus que le fantôme d’un être déjà très-ordinaire. Je n’ai eu qu’un motif d’estime envers moi-même : je me croyais capable d’un