Page:Sand - Adriani.djvu/199

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cepter sans rougir la richesse, bien que mon fils n’eût jamais obtenu mon consentement pour vous épouser, si votre origine eût été au-dessous de la sienne. Ce sont là, ma fille, des scrupules et des convictions personnels que je ne prétendrais pas vous imposer, s’il n’y avait pas d’autre obstacle entre vous et les projets inouïs de d’Argères ; mais il en existe un si réel, que je ne puis me dispenser de vous en retracer l’importance. Vous savez, ma fille, que je n’ai pas la sottise de mépriser les artistes, pas plus que je ne méprise aucune condition honnête. J’ai connu, par rapport à vous, et je vous ai fait connaître des musiciens renommés, entre autres M. Habeneck, qui était un homme très-bien élevé, et qui, en vous donnant quelques leçons d’accompagnement pour faire plaisir à votre maître de piano, n’a rien voulu recevoir pour prix de sa peine. Cela m’a forcée à l’inviter à dîner, et je ne l’ai pas regretté, en voyant qu’il ne buvait pas comme font la plupart des musiciens, et pouvait parler sur son art d’une manière intéressante. Vous avez désiré qu’on fît de la musique chez nous. J’y répugnais, parce que votre fortune, suffisante ailleurs, ne nous permettait pas d’exercer à Paris une hospitalité bien convenable, et que je craignais un air d’intimité de notre part avec des artistes. J’ai cédé pourtant, et j’ai consenti à de petites réunions où des musiciens choisis, s’attirant les uns les autres, sont venus procurer aux